Matthieu M. - Publié le 1 février 2018
VILLE - Santé, protection de la diversité, lien social : les villes investissent massivement dans les espaces verts pour le bien-être de celles et ceux qui y vivent.
Dans les années 1970, l'utopie urbaine ressemblait davantage à une autoroute géante qu'à un jardin d'eden. Depuis, les municipalités ont revu leur copie et le béton semble avoir laissé la place au vert.
Une volonté de végétalisation qui répond à une demande, toujours plus importante de la part des citadins. Selon un rapport Asterès datant de mai 2016, 9 Français sur 10 jugent important de conserver un contact quotidien avec le végétal.
Les villes ont tout intérêt à aller dans ce sens, puisque, au-delà de la satisfaction de leurs administrés, les conséquences sur la santé sont indéniables. Selon cette même étude, augmenter la densité d'espaces verts, pourrait réduire les frais médicaux liés à l'asthme ou à l'hypertension.
Assainir la ville en plantant des arbres, le concept n'est pas nouveau mais les villes investissent aujourd'hui massivement dans le végétal. Alors les arbres peuvent-ils sauver la ville ? Pourquoi cette passion verte ?
Nantes : une ville verte pionnière
“La ville de Nantes, avec plus de 1 000 hectares d'espaces verts, a l'ambition de devenir une ville jardin”, explique Jacques Soignon, directeur du service des espaces verts de la ville.
La préfecture de la Loire-Atlantique fait bel et bien figure d'exemple en matière de végétalisation de l'espace urbain : elle est la championne toute catégorie des villes françaises qui investissent le plus dans “le développement et l'amélioration de leur patrimoine végétale”, selon l'Observatoire des villes vertes.
De part son histoire, Nantes a toujours entretenu un rapport particulier avec les espaces verts, la ville ayant accueilli dès le 19ème siècle une végétation internationale grâce aux riches armateurs qui l'habitaient.
Cet héritage vert a incité la ville de Nantes à continuer son engagement végétal et à multiplier les projets et initiatives : îles végétales, promenade verte, espaces de plein air, jardins collectifs, les Nantais en redemandent.
“Il y a un vrai besoin de retour au vert. La période du pétrole pas cher nous a habitués à bétonner des surfaces ahurissantes. Aujourd'hui, place à la reconquête”, souligne Jacques Soignon.
En plus d'accorder une place prépondérante à la superficie des espaces verts, la ville aux 100 parcs et jardins est un exemple de gestion verte, car fondatrice du réseau des collectivités pour un label écologique des espaces verts. Un geste fort en faveur de la biodiversité en milieu urbain impliquant une gestion écologique du végétal.
Un engouement généralisé
Pourtant, la ville de Nantes n'est pas la seule à investir massivement dans la végétalisation des villes. Elles sont même de plus en plus nombreuses à suivre le mouvement, au point que cela devient un vrai phénomène d'urbanisme.
L'architecte italien Stefano Boeri, nous le confirme : “La ville de Milan a l'ambition de devenir une la première ville forestière d'ici 2030”. Galvanisée par l'engouement autour des deux forêts verticales dont l'architecte est à l'origine, la capitale de la Lombardie se rêve en leader des cités vertes.
“L'objectif est de doubler le nombre d'arbres”, précise l'architecte, “nous voulons passer de 11 à 22 millions”.
Mais alors qu'est-ce qui explique cette passion généralisée pour la nature en ville ? Qu'est-ce qui motive les collectivités à se lancer dans cette course au vert ?
Il est vrai que dans l'imaginaire collectif, ville et nature ne sont pas une association évidente. “À l'origine, les êtres humains ont tenté de se dissocier de la nature, puisqu'ils étaient en mesure de l'analyser de façon scientifique. Comme s'ils n'en faisaient plus partie”, souligne Gilles Clément, célèbre botaniste et jardinier français. La ville, symbole de la technocratie et du savoir-faire géométrique, s'éloigne alors du reste du territoire, incontrôlable, imprévisible.
La ville : gardienne de la biodiversité ?
Pourtant, aujourd'hui, la question se pose différemment, comme le rappelle M. Clément, auteur du Jardin en mouvement (Ed. Pandora, 1991) : “Toute une partie de la biodiversité, animale ou végétale est en grande souffrance à la campagne. La ville devient un lieu de protection de la diversité.”
À titre d'exemple, “ce ne sont pas moins de 20 espèces d'oiseaux que les tours verticales de Milan ont attirées depuis leur création”, précise Stefano Boeri. Tandis que les jardins du Musée du quai Branly à Paris accueillent régulièrement un héron qui vient se nourrir dans leurs points d'eau.
Mais la préservation de la biodiversité n'est pas la seule raison qui incite les municipalités à investir dans la végétalisation.
Compenser le manque de nature et créer du lien social
Selon le botaniste français, c'est avant tout une question de compensation : “Les citadins n'ont plus accès à quelque chose qui autrefois était évident quand tout le monde vivait à la campagne. Avant, quand on sortait de sa maison, on avait les pieds dans la nature”, souligne le botaniste français.
C'est en partie pourquoi, les jardins ouvriers sont apparus dans les années 30. Privés d'un morceaux de terre en ville, les ouvriers avec leur maigre revenu avaient beaucoup de mal à se nourrir. Il a donc été urgent de leur attribuer un espace dans lequel ils pouvaient consommer directement ce qu'ils cultivaient.
Depuis, l'impératif économique a laissé la place à celui du lien social. “Le jardin rassemble des gens qui ne se seraient jamais rencontrés auparavant”, souligne Gilles Clément. Et le public en raffole puisqu'en 15 ans, le nombre de jardins partagés est passé de 1 à plus de 100.
Un enjeu crucial pour l'avenir de l'humanité
Toutefois, il serait impensable de parler de nature en ville sans évoquer le lien entre végétalisation massive et écologie. Alors non, planter des arbres ne va pas résoudre, comme par magie, tous les problèmes liés à la pollution ou au réchauffement climatique en ville.
En revanche, n'importe quel végétal est capable de capturer du CO2. “Je dis souvent à mes étudiants : si vous n'avez pas d'idée, faite une forêt !”, s'exclame Gilles Clément. En effet, 11% de la population mondiale a une maladie liée à la qualité de l'air en ville : que ce soit à l'extérieur ou à l'intérieur des bâtiments.
La place de la végétalisation en ville est donc un enjeu crucial pour l'avenir de l'humanité. Elle n'absorbe jamais la totalité de la pollution, mais contribuera à la diminuer significativement. “Avec les arbres, on combat l'ennemi sur son champ de bataille”, lance Stefano Boeri.
L'architecte italien a d'ailleurs proposé une utilisation étonnante des arbres dans le cadre urbain : s'en servir comme protection naturelle contre d'éventuelles attaques terroristes. “Nous sommes toutes et tous victimes de la menace terroriste”, explique-t-il. “Il est nécessaire d'avoir une protection à la fois utile et esthétiquement plaisante.”
Stefano Boeri imagine des arbres ou des containers végétaux pour remplacer les barrières de protection, pour protéger les piétons des véhicules notamment.
À la fois élément de communication à l'international et véritable enjeu du bien-être, la nature en ville est devenue un axe central des politiques environnementales et urbaines qui passionnent aussi bien les politiques que leurs habitants.
“Les gens aspirent à évoluer dans une ville apaisée et de profiter du plaisir d'être dehors”, conclut Jacques Soignon.