Lisa Hör - Publié le 5 avril 2017
SOLIDARITÉ - Dans ces boîtes installées dans la rue, on dépose et on récupère des objets gratuitement. À Paris ou encore à Lyon, elles sont en plein essor.
C'est un ballet ininterrompu qui se joue place Félix-Eboué, dans le 12e arrondissement de Paris, en ce mercredi après-midi de mars.
Un monsieur sort des vêtements d'un sac en plastique et les dépose dans l'un des casiers en bois savamment assemblés les uns sur les autres. Une dame arrive et jette un coup d'?il à ce qui s'y trouve. Elle repart avec un classeur pour sa fille.
Nous sommes devant la boîte à dons installée par l'association CAP ou pas cap en novembre 2016, en collaboration avec le collectif d'architectes et de designers On a pensé à un truc.
Les habitants du quartier comme les passants y ont accès sept jours sur sept, 24 heures sur 24. Tout ce qui s'y trouve est gratuit, et à la disposition de la première personne intéressée. L'expérience est un succès : en moyenne, 15 personnes par heure déposent ou récupèrent un objet.
Donner une seconde vie aux objets et recréer du lien social
"C'est une solution concrète et locale, qui donne à chacun les clés pour s'engager", s'enthousiasme Margaux Nasreddine, en service civique au sein de l'association CAP ou pas Cap.
Pour elle, une boîte à dons à plusieurs objectifs : "Le premier, c'est de sensibiliser à la lutte contre le gaspillage, en redistribuant des objets dont on n'a plus besoin. Le deuxième, c'est de créer du lien social en permettant aux gens d'échanger sur place entre eux. Le troisième, c'est de venir en aide aux plus démunis."
À observer les personnes âgées qui prennent un moment pour discuter au soleil, assises sur le banc à proximité, après avoir pris ou déposé un objet, la convivialité est bien là.
La solidarité, aussi, d'autant que cette boîte est adossée au kiosque citoyen du 12e arrondissement, dans lequel l'association Hologramme distribue les invendus du marché tous les mercredis.
Cap ou pas Cap projette de construire 12 autres boîtes de ce type à Paris. Mais il y a une autre ville où l'enthousiasme des habitants est encore plus grand.
Une cinquantaine de boîtes à partage à Lyon
La boîte à dons originale serait allemande. Ce serait en effet un Berlinois qui aurait lancé le mouvement en 2011. Boîtes à don, boîtes d'échanges entre voisins, boîte à livres, boîtes à partage... quel que soit leur petit nom, elles sont de plus en plus nombreuses à voir le jour outre-Rhin, mais aussi en Suisse, au Canada... et depuis peu dans les rues de France.
La première boîte à dons lyonnaise a été créée en 2014 par une designer et une graphiste, qui ont mis les plans de leur GiveBox à disposition de tous sur leur site internet.
Depuis, ce type d'initiatives se multiplie un peu partout dans la ville, notamment grâce à l'investissement de Stéphanie Génelot, fondatrice de l'association Boîte à Partage, qui travaille sur une carte où chacun pourra les recenser.
Elle accompagne une dizaine de projets et dispense des conseils précieux, car il ne suffit pas de poser une boîte dans la rue avec une affichette pour que la dynamique prenne.
"On est sur un projet de création de lien social dès le départ. C'est bien de s'entourer de gens avec des compétences différentes, un bricoleur, une personne qui maîtrise Facebook, estime Stéphanie Génelot. Il faut associer les habitants, mais aussi tous les acteurs du quartier, comme les MJC (maison des jeunes et de la culture, ndlr.)."
La liberté de prendre les objets... ou non
Stéphanie Génelot écarte les principales inquiétudes que suscitent les boîtes à dons. Selon elle, il n'y a des dégradations mineures, comme des tags, que lorsque le projet n'est pas porté par les habitants. Par exemple, si la boîte est installée par la mairie sans consultation.
Et les gens qui en profiteraient pour revendre les objets sur des brocantes par exemple ? "L'une de nos valeurs, c'est la liberté, on ne cherche pas à savoir ce que les objets deviennent. D'ailleurs, les objets ont souvent peu de valeur, donc si des gens les revendent, c'est qu'ils ont besoin du peu d'argent que cela leur rapporte."
Mais souvent, les gens lui disent plutôt hésiter à emporter des objets, en pensant qu'ils pourraient servir à plus nécessiteux. "Ce qui justifie le fait de prendre un objet qui vous plaît, c'est que vous l'avez découvert à ce moment-là", rassure-t-elle.
Si tous les objets déposés dans les boîtes à dons trouvent souvent très vite preneur, il y a bien sûr des petits ratés, comme le raconte Stéphanie Guénelot avec le sourire : "On a un livre sur Bernard Tapie qui est dans l'une de nos boîtes depuis le début et que personne ne prend... Mais c'est devenu notre mascotte !"