Lisa Hör - Publié le 27 octobre 2017
VIVRE-ENSEMBLE - Le défi lancé par la célèbre designer : prolonger l'utopie sociale de ces logements ouvriers en réaménageant l'un des appartements inoccupés.
“Utopia must go on”, l'utopie doit continuer ! Voici l'ambitieux programme de l'atelier mené par matali crasset (qui écrit ses nom et prénom sans majuscules), designer française reconnue dans le monde entier, que nous avions rencontrée pour parler de l'avenir de la maison.
La créatrice a fait venir ses étudiants de la Haute École d'Art et de Design de Genève au Familistère de Guise, dans l'Aisne, du 16 au 20 octobre 2017, pour y repenser la vie en appartement.
Revisiter une utopie sociale
Le Familistère est l'une des grandes utopies sociales françaises. Pour ses ouvriers, l'entrepreneur Godin avait fait construire des logements incroyablement modernes et confortables pour l'époque, autour de deux grandes cours.
Tout était pensé pour la vie en communauté, comme nous le racontait l'une des dernières habitantes des lieux, lors d'une visite il y a deux ans.
Pour matali crasset le vivre-ensemble est un enjeu toujours aussi brûlant aujourd'hui, et les designers ont un rôle à jouer pour le favoriser. Elle a donc posé cette question à ces étudiants : “Comment, à partir d'un appartement cloisonné, trouver une autre façon de vivre ensemble ?”
Attention, pas question de casser les murs pour créer plus d'interaction entre les habitants, ce serait trop facile.
Une plateforme pour relier les pièces
Une dizaine d'étudiants ont donc investi l'un des appartements inhabités. Comme tous les logements ici, il est traversant, avec des fenêtres qui donnent sur le parc, et d'autres, en face, sur la cour intérieure.
matali crasset souligne “la rigueur de conception” de Godin, et la façon dont il a su créer lien entre l'intérieur et l'extérieur. Mais comment renforcer encore l'esprit de communauté ?
Dans ces trois petites pièces dans lesquelles, les étudiants ont donc monté une surprenante plateforme en bois.
Elle serpente à travers le logement et occupe toute la largeur des portes.
Dire adieu aux meubles pour mieux se retrouver
Sur cette plateforme, on peut déambuler, s'asseoir pour discuter, s'allonger et piquer un somme. À la fois chaise, table, canapé, lit, elle remplace tous les meubles que l'on s'attend à trouver dans un logement classique.
“On ne voulait pas distinguer la fonctionnalité de chaque pièce, ni, par exemple, que les gens aillent dans la cuisine pour manger, ou dans la chambre pour dormir”, explique Chunhua Chien, 27 ans, l'une des participantes de cet atelier. Si chacun reste dans sa pièce, on ne va pas se rencontrer et avoir une discussion.”
“Cette plateforme casse les codes d'occupation de l'espace”, confirme matali crasset.
Avec ses poteaux verticaux qui la soutiennent et montent presque jusqu'au plafond, elle évoque à la designer “un bois, avec une clairière, au milieu de laquelle on viendrait s'asseoir.”
Pour apporter un peu de confort, les étudiants ont prévu des coussins attachés les uns aux autres comme des saucisses (toujours l'idée de relier les uns aux autres), et des couvertures, que l'on peut accrocher aux poteaux pour retrouver un peu d'intimité.
Une expérience avant tout
Bien sûr, ce projet est avant tout expérimental. Mais le Familistère est bien le lieu idéal pour tester cette installation. “Godin faisait des prototypes tout le temps, pour que les gens les essaient”, raconte matali crasset.
Rien n'est encore fixé sur le devenir de l'installation, qui se trouve dans l'aile encore habitée du Familistère, et donc habituellement fermée au public pour respecter la tranquillité des résidents.
Le musée envisage de faire visiter cet appartement sur rendez-vous et de le transformer en salle de repos pour les salariés.
Peut-être inspirera-t-il nos modes de vie dans un futur proche ? Après tout, la plateforme est plutôt pratique pour recevoir des amis.
“Cet appartement au départ était pour 4 personnes, mais s'il y a une soirée, on peut accueillir plus de monde”, imagine Chunhua Chien. “Pendant le vernissage, on était une vingtaine, et on a tous trouvé une place pour discuter.”
Une bonne idée pour nos prochaines réunions de famille ?