Matthieu M. - Publié le 3 février 2018
PATERNITÉ - Sa pétition pour l'allongement du congé paternité a rassemblé plus de 85 000 signatures depuis mai 2017. Cette nouvelle génération de papas compte bien faire bouger les choses.
Vous n'y avez sûrement pas échappé : le débat sur le congé paternité fait rage depuis quelques mois. À coups de pétitions, les papas et les mamans réclament l'allongement du congé paternité pour soulager la charge des femmes et permettre aux hommes de s'impliquer davantage après la naissance.
Parmi ces pétitions on trouve celle de Naro (son pseudo), jeune homme de 30 ans, qui est parvenu à rassembler, depuis mai 2017, plus de 85 000 signatures. Sa requête ? Faire passer le congé paternité de 11 jours à 4 semaines. Et pourtant, Naro n'est pas papa !
Absorber la charge des femmes
“On présente le congé maternité comme un temps de repos pour la femme. Or, si l'homme est absent, cela me semble difficilement possible”, souligne-t-il.
Naro explique qu'un couple a beau être le plus égalitaire, la naissance d'un enfant fait systématiquement voler cet équilibre en éclat.
“Et encore, égalitaire, 60% pour la femme, 40% pour l'homme, c'est déjà pas mal”, ajoute Naro.
En effet, comme le rappelle la journaliste Titiou Lecoq dans son ouvrage Libérées (Ed. Fayard, 2017), d'après une étude menée par le sociologue François de Singly en 1994 : “les hommes qui jugeaient la répartition du travail ménager équilibrée dans leur couple faisaient un tiers de ce travail”.
Après la naissance c'est la même chose. “Puisque la mère est là pendant les premières semaines de la vie du bébé, elle absorbe inévitablement toutes les tâches qui lui sont liées”, indique-t-il.
Visites chez le médecin, vaccins, achats des couches, biberons, rien ne leur échappe ! Selon Naro, il est essentiel que le père soit là pour absorber à deux cette charge de travail supplémentaire.
Un homme féministe
Naro fait partie d'une espèce rare, celle des hommes qui ne craignent pas de se dire “féministes”. Pourtant, la prise de conscience fut progressive.
“Au départ, je ne l'étais pas spécialement. J'étais favorable à l'égalité des sexes, mais je n'y connaissais pas grand chose”.
Cet engagement vient probablement du fait qu'il ait grandi dans un cadre favorable : Naro vient d'une famille où ses parents ne font pas de différence de traitement entre les deux frères et sa sœur. La répartition des tâches ménagères est équitable et non genrée.
“Ma sœur a pris conscience des désavantages d'être une fille après ses 18 ans, quand elle a quitté la maison”, nous indique-t-il.
En grandissant, Naro se documente, sur Internet notamment. “Je regardais beaucoup de vidéos sur Youtube pour me mettre au féminisme”. La chaîne de Ginger Force sur laquelle on parle sans détour de féminisme, de masculinisme ou même de transidentité est un élément central de sa prise de conscience.
La révélation grâce à une bande-dessinée
Mais un jour c'est la révélation. Alors qu'il feuillette une bande-dessinée de l'illustratrice Emma intitulée Les vacances, il prend conscience de l'inégalité que crée au sein d'un couple et du foyer, le congé paternité.
“À son retour de congé maternité, on lui demande comment se sont passées les vacances ! “, s'exclame Naro. Le jeune homme commence alors à s'interroger sur le rôle que peut jouer le père aux côtés de la nouvelle maman et se demande comment agir.
Le déclic vient une nouvelle fois d'une planche de l'illustratrice, celle intitulée La charge mentale qui sera reprise partout dans le monde.
Dans cette bande-dessinée, Emma interpelle les hommes qui souhaiteraient s'engager aux côtés des femmes pour favoriser la répartition des tâches et diminuer la charge mentale. Selon elle, la meilleure chose qu'ils pourraient faire serait de s'engager pour l'allongement du congé paternité.
“Immédiatement, après avoir lu cela, j'ai balayé internet à la recherche d'associations ou de forums. Mais il n'y a avait rien de récent sur la question.” Naro décide alors de faire du congé paternité son combat.
“Je n'ai pas envie que l'on me vole ma paternité.”
Pour éveiller les consciences et interpeller l'opinion publique à ce sujet, Naro se rend sur le site Change.org et rédige une pétition qu'il fait relire par une amie sage-femme et des nouvelles mamans de son entourage.
Sa copine le soutient, mais il a décidé de ne pas mélanger son “initiative de citoyen lambda” avec sa vie de couple.
Quand on l'interroge sur son désir de paternité, le trentenaire répond que c'est un désir évident, mais pas immédiat. Mais si l'allongement n'existe pas, comment fera-t-il ?
"L'idée serait de faire un montage entre les congés et les RTT pour être le plus présent possible”. Et de conclure : “Je n'ai pas envie que l'on me vole ma paternité. ”