Lisa Hör - Publié le 14 septembre 2020
SMART CITY - L'architecte espagnol Vicente Guallart a remporté un appel à projet chinois avec l'esquisse d'un quartier autonome au maximum en énergie et en nourriture.
Au moment où Vicente Guallart et son équipe commençaient à plancher sur un projet d'écoquartier, le monde s'alertait encore à peine de l'apparition d'un nouveau coronavirus. Nous étions en janvier 2020.
Il s'agissait alors simplement, pour l'architecte espagnol, de répondre à un concours international lancé par le gouvernement chinois pour dessiner la nouvelle ville de Xiong'an, à 100 km au sud de Pékin. Une ville écologique et futuriste, qui est aussi un projet politique phare porté par le président Xi Jinping.
Pour répondre à cette ambition, l'autonomie en nourriture, en eau, et en énergie était déjà incontournable pour Vicente Guallart, auteur de La ville autosuffisante. Mais la crise sanitaire a rendu ce besoin d'autonomie encore plus pressant.
"Avec le confinement, notre bureau s'est dissous et nous avons tous travaillé depuis chez nous. Nous avons alors décidé que le projet devrait traiter à la fois la crise climatique et la crise du coronavirus", raconte Vicente Guallart par téléphone. Cette vision a su convaincre puisqu'il a remporté le concours. En attendant de voir son quartier sortir de terre, voici un visite en projections 3D.
Produire sur place au maximum
"La meilleure façon d'être sûr de résister aux crises est d'avoir le contrôle sur la satisfaction de vos besoins de bases", affirme, en toute logique, Vicente Guallart. Le premier de ces besoins étant la nourriture, dans ce projet, tous les bâtiments de ce quartier sont couverts de serres, pour produire fruits et légumes. De quoi couvrir 40 % des besoins en nourriture végétale 6000 habitants. "Seulement 40 %, car la densité de population sera très élevée", précise l'architecte.
Des panneaux solaires sont prévus sur les toits des serres, pour produire 50 % de l'électricité nécessaire au fonctionnement des bâtiments. Ces derniers seront construits selon les règles de l'architecture passive, afin de diminuer au maximum les besoins de chauffage et de climatisation.
Certes, ces chiffres ne préfigurent pas une autonomie totale, et il s'agit seulement d'un quartier au sein d'une future ville d'un ou deux millions d'habitants. Mais ces principes sont réplicables à grande échelle et ne demandent qu'à être complétée par d'autres solutions.
De mini-usines d'imprimantes 3D
Plus surprenant, de mini-usines doivent être installées au rez-de-chaussée de chaque bâtiment. Les habitants pourront y fabriquer eux-mêmes des objets du quotidien grâce à des imprimantes 3D.
Pour Vicente Guallart, cette innovation est loin d'être anecdotique : "Mi-mars, notre gouvernement n'était pas à même de fournir des masques, illustre-t-il. Nous avons dû demander à la Chine d'en produire. En parallèle, des particuliers ont imprimé chez eux des pièces de respirateurs pour les hôpitaux. Ces "makers" ont sauvé des vies au début de la crise."
Des appartements ouverts sur l'extérieur
Les plans de ce quartier comprennent des habitations, des bureaux, mais aussi tous les services, des commerces au centre administratif, en passant par les garderies et la piscine. Tout doit être accessible à pied, dans la logique de la ville du quart d'heure, à taille humaine.
Mais si les habitants sont contraints de rester chez eux, durant un nouveau confinement, l'architecte a tout prévu. Chaque appartement disposera d'une vaste terrasse exposée au Sud, pour pouvoir prendre l'air, et sera connecté au réseau 5G, déjà très largement déployé en Chine. De quoi télétravailler efficacement et rester connecté avec le reste du monde et ses voisins, vante le dossier de presse de l'agence Guallart.
Cette vision de la ville du futur inspirera-t-elle d'autres pays ? C'est en tout cas une vision alternative intéressante au rêve de plus en plus partagé, d'une maison individuelle autosuffisante en plein cœur de la nature. "Si les villes n'innovent pas, les gens les quittent. Et si tout le monde part, cela détruira les campagnes. C'est pourquoi nous devrions plutôt ramener la nature en ville", conclue Vicente Guallart.