Matthieu M. - Publié le 20 juillet 2018
MAKER - Le Fab City Campus propose au grand public d'apprendre à fabriquer et réparer soi-même. Si vous n'êtes pas manuel-le, il est temps de s'y mettre ! L'avenir est entre les mains des bricoleurs-ses.
Demain, serons-nous tou-tes makers ? Vous savez ces bricoleurs et bricoleuses nouvelle génération qui construisent, fabriquent ou réparent une multitude d'objets et fréquentent avec passion les FabLabs, leurs ateliers.
C'est en tout cas ce que pense le réseau Fab City, réseau de villes qui s'engagent “à atteindre 50% d'autosuffisance en : bien manufacturés, production locale d'énergie et alimentaire d'ici 2054”, comme nous l'explique Francesco Cingolani, architecte et porte-parole de Fab City.
Raison pour laquelle, il est nécessaire d'impliquer “la société civile” dans ce grand mouvement du faire soi-même. Et pour ce faire, le réseau organise pour la première fois le Fab City Campus, du 14 au 22 juillet 2018 à Paris, une succession d'ateliers ouverts à toutes et à tous pour sensibiliser “à cet environnement, ceux qui ne sont pas familiers avec le monde des makers”, souligne Francesco Cingolani.
Personnellement, appartenant à une génération où le simple fait de devoir changer une ampoule relève de l'exploit, il m'est, de prime abord, difficile de me projeter dans un monde où je serais un jour capable de fabriquer mon propre mobilier ou de réparer seul mon téléphone portable.
Je déculpabilise quelque peu lorsque je prends conscience, une fois sur place, que la plupart des badauds qui voguent d'ateliers en ateliers, au cœur du parc de la Villette, ne connaissent pas le mot FabLab.
Fabriquer pour développer une relation privilégiée avec l'objet
C'est le cas d'Hélène, 50 ans, qui s'est rendue seule à l'événement pour y construire une chaise. “J'ose espérer que je vais réussir à m'asseoir dessus”, s'exclame-t-elle tout en utilisant avec précaution une perceuse à colonne.
C'est la première fois que cette mère de famille utilise des outils pour fabriquer son propre mobilier, motivée par l'envie “d'avoir un objet unique, un objet utile”, nous dit-elle. Une raison qui explique, en partie, la tendance du faire soi-même selon Francesco Cingolani : “En fabriquant, l'usager développe une relation privilégiée avec l'objet, une relation affective. Le citoyen n'est plus un simple consommateur.”
Hélène est formée à la fabrication de la chaise par la Requincaillerie, un collectif qui fait la promotion du faire soi-même auprès des particuliers ou des associations. “Le but est d'initier au bricolage tout en reprenant des éléments en bois qui sont normalement des déchets.”, souligne Thomas, 28 ans, architecte et bénévole au sein de la Requincaillerie. Dans le jargon, on appelle cela de l'upcycling.
En mettant à disposition du public des “outils accessibles et un modèle de chaise libre de droit”, Thomas forme les futurs makers du Fab City Campus au traçage, au sciage, à l'utilisation de la tige filetée et au montage finale. 2h30 de travail seront nécessaires pour réaliser la chaise, qui en plus d'être belle, est confortable.
L'autoconstruction pour réparer seul-e sa maison
Mais la tendance maker ne se limite pas à la construction de petits objets ou de mobilier, comme nous le démontre le collectif les Bâtisseuses présent sur le “campus”. Eugénie Ndiaye, co-fondatrice du collectif, qui se définit volontiers comme une makeuse, cherche à “valoriser la construction écologique en terre” auprès du grand public.
La perte du savoir-faire manuel est au cœur de l'engagement de ces makers. “Le but n'est pas d'apprendre aux gens à construire leur maison de A à Z”, nous explique-t-elle. L'idée est de participer à l'élaboration d'une maison “que l'on peut réparer soi-même.”
Alors que nous échangeons, un groupe d'enfants s'attelle à la fabrication de briques en terre tandis qu'une jeune femme participe à la construction d'un mur. “Il est important de replacer les femmes dans l'acte de construire, de leur donner le courage d'oser”, souligne Eugénie Ndiaye.
Donner une nouvelle vie aux objets que l'on jette à la poubelle
En remontant le canal de l'Ourcq, en direction du pavillon consacré au plastique, nous faisons la connaissance de David Le Gall, “facilitateur le jour, maker la nuit”, comme l'indique sa carte de visite.
Ce jeune homme de 25 ans qui a tenu une scie pour la première fois de sa vie 20 ans plus tôt, ne peut “plus passer une semaine sans fabriquer quelque chose”, nous lance-t-il. Sa problématique principale ? “Changer notre rapport au plastique” en créant des objets avec ce que l'on a l'habitude de jeter à la poubelle.
Face à une petite audience réunie autour de lui, David montre qu'il est possible de donner une seconde vie à de vieux jouets pour les transformer en badges colorés. Pour cela, le maker broie plusieurs jouets en plastique dans un mixeur de cuisine, récupère les débris dans un moule à cupcake et fait fondre le tout au four. En 10 minutes, le plastique a fondu et le badge est prêt ! Pas besoin de se rendre dans un FabLab pour être un maker.
L'autosuffisance et la production locale pour s'adapter aux besoins
Et pour preuve : le FarmBot, un petit robot cultivateur que me présente Lisa, 24 ans, jeune ingénieure agronome. Pour les individus qui disposent d'un coin de verdure, ce robot facilite l'autosuffisance alimentaire : il prend en charge “les semis, l'entretien et l'irrigation” du potager rêvé.
Une bonne nouvelle pour la production locale, une notion centrale de la philosophie maker car elle permet un bilan carbone moindre et des objets adaptés aux besoins des habitants.
Une chose est certaine, l'envie de fabriquer soi-même est contagieuse et la nécessité de reprendre le contrôle sur la technologie qui nous entoure l'est encore plus. C'est décidé, en rentrant chez moi, je me lance sur un tuto pour apprendre à changer une ampoule.
Il n'y a pas de petits efforts !