Matthieu M. - Publié le 24 janvier 2021
MAKER - Olivier Bozzeto a mis au point Jallume, une page web qui permet aux habitants d'une commune de l'Eure, d'allumer les lampadaires de leur rue la nuit.
En 2021, Magritte pourrait-il peindre son fameux Empire des lumières, cette petite maison face à un lac, éclairée par un lampadaire ? Pas sûr ! Par souci d'économie, certains quartiers de petites villes sont aujourd'hui totalement plongés dans le noir, une fois la nuit tombée. Selon un rapport de l'agence de la transition écologique (l'ADEME), les réductions de consommation des collectivités territoriales “ont porté principalement sur les dépenses d'éclairage public : changement des lampes, extinction partielle des feux au cours de la nuit dans les petites communes, baisse d'intensité pour les grandes villes."
C'est pour éviter cela, qu'un ingénieur normand, Olivier Bozzeto, 50 ans, a mis au point Jallume, “une page web qui permet de rallumer son éclairage public”, nous explique-t-il. Pour cela, c'est très simple, il suffit d'appuyer sur le bouton si l'on a envie d'avoir de la lumière dans sa rue. Et Magritte de retrouver son inspiration.
Une solution intermédiaire pour faire des économies sans plonger la ville dans le noir
Cette idée lui est venue il y a 5 ans, alors que la ville dans laquelle il vit, Pont de l'Arche, une commune de 4500 habitants dans l'Eure, s'interroge sur sa consommation énergétique et à l'éclairage public, trop coûteux. Faut-il laisser allumer en permanence ? Tout couper ? Aucune des options ne satisfait l'ensemble des habitant-es.
Olivier Bozzeto, qui est ingénieur en recherche et développement et fait de la programmation pour l'électronique embarquée et la domotique, a entre les mains tout le savoir-faire nécessaire pour trouver une solution qui plaira à tout le monde : une “solution intermédiaire pour faire des économies d'énergies, financières et ne pas perdre complètement le service”, précise-t-il.
Une fois que le concept est sorti de son cerveau, l'ingénieur va voir la mairie de Pont de l'Arche qui confirme son intérêt pour le projet. Olivier Bozzeto développe alors, sur ses fonds propres “sans savoir si ça allait être acheté”, l'innovation.
L'Internet des objets entre les mains des habitants de Pont de l'Arche
Alors comment ça marche ? “Il y a une partie logiciel qui est visible par les utilisateurs mais qui est une toute petite partie de la technique pour pouvoir piloter la lumière. Il y a un appareil électronique qui est placé dans les armoires d'éclairage public, et à la différence de certaines, elles sont communicantes”, nous explique le maker Normand. L'Internet des objets en somme !
Après un premier essai concluant, la municipalité de Pont de l'Arche décide d'équiper toute la ville en 2017. Quand l'éclairage public est coupé dans les rues de la commune entre 23h et 5h du matin, les habitants peuvent à leur guise allumer les lampadaires quand ils en ont besoin. “C'est comme une minuterie dans un immeuble. On allume pour avoir la lumière pendant 15 minutes”, précise-t-il. “La bonne surprise, c'est que ce n'est pas réservé aux jeunes. on s'est aperçu que même les seniors l'utilisent”, rappelle-t-il.
Une bonne surprise pour la mairie de Pont de l'Arche puisque la page web Jallume a permis de lui faire économiser 7000 euros par an, nous apprend Olivier Bozzeto. Un succès qui suscite l'intérêt d'autres villes, comme Lisieux (Calvados), qui a adopté le système de l'ingénieur après l'avoir abandonné à cause d'un changement de majorité au conseil municipal.
Mais le Normand nous raconte que l'intérêt est devenu plus vif encore, il y a un mois. De nombreuses mairies partout en France le contactent pour obtenir davantage d'informations. “Avec le confinement, l'éclairage public revient au centre du débat. À cause des restrictions budgétaires, l'énergie pour une commune devient un gros poste de dépense”, dit-il.
Au-delà de la partie financière, Olivier Bozzeto qui vient de mettre au point une deuxième version de son invention, vante les vertus participatives de Jallume : “Ça a un côté universel, on est dans le participatif. Ça permet aux habitants de s'impliquer dans la vie de leur commune.”