Matthieu M. - Publié le 8 septembre 2019
NOMADE - Parfois la réalité ne correspond pas aux fantasmes que l'on s'en fait. Une seule pièce, peu d'intimité, les familles peuvent déchanter.
De plus en plus de personnes qui aspirent à un mode de vie simple et proche de la nature optent pour la yourte. Cet habitat traditionnel des nomades d'Asie centrale se compose d'une pièce unique orientée autour d'un poêle. Pourtant, ce logement alternatif ne séduit pas que les jeunes couples écolo, certaines familles s'y mettent aussi. Nous avons interrogé plusieurs familles qui nous ont livré leur retour d'expériences.
A priori, difficile d'y loger un couple avec enfants mais cette question logistique n'a pas fait reculer Ophélie, mère de famille à la tête d'une famille de 6 enfants.
Une envie de liberté brimée par la législation
Celle qui raconte le quotidien de sa tribu nombreuse et zéro déchet sur son blog avait le projet d'installer sur un terrain une triple yourte de 120 m2 pour y loger toute la famille dans le Gers. “On avait envie de liberté. Pour nous c'est le symbole de la vie en pleine nature dans un espace réduit. On avait conscience de cette démarche minimaliste”, nous raconte-t-elle.
Ce changement de vie enchante tout le monde, et pas seulement les parents. Les enfants participent au projet. “Les enfants avaient décidé comment aménager les cloisons dans leur chambre”, précise-t-elle. Car pour vivre tous ensemble en ayant chacun son intimité, Ophélie et son mari projetaient de diviser l'habitation en trois parties en intégrant un système de tunnel pour relier chaque espace.
Plus motivée que jamais, la famille lance les premières démarches en juin 2017 : constructeurs, devis, recherche d'un terrain. Mais en avril 2018, Ophélie publie une vidéo sur son compte Youtube pour expliquer que le projet est annulé. En cause ? Le Plan Local d'Urbanisme qui interdisait la construction d'une yourte sur le terrain d'un hectar qu'ils avaient trouvé. “La réglementation française est très stricte. Avec les enfants, il était hors de question de l'enfreindre et de vivre dans l'illégalité”, indique-t-elle.
Depuis, Ophélie et son mari ont définitivement renoncé à leur rêve de yourte et ont investi dans une maison. “Une triple yourte coûte le prix d'une maison. On a préféré investir dans du dur, pour le transmettre à nos enfants”, nous explique Ophélie.
Avec le recul, elle va même plus loin : il est plus facile de vivre dans une maison écolo que dans une yourte écolo. “Une yourte qui répond aux critères de la RT 2012 ce n'est pas pas évident car peu de constructeurs de yourte le proposent”, souligne-t-elle. Et Ophélie d'ajouter : “on a réalisé notre rêve autrement.”
S'organiser pour ne pas souffrir du manque d'intimité
Même histoire malheureuse du côté de Clémence et Jonathan, qui ont vécu plus d'un an dans une yourte avec leurs trois enfants. Hélas, la mairie ne les a pas autorisés à prolonger leur rêve. L'expérience aura été de courte durée mais plaisante.
Jonathan se souvient de la proximité avec la nature et ses sons, mais aussi de la vie en extérieur imposée par le fait d'habiter dans un petit espace. Bien que lui et sa compagne soient habitués à vivre dans de petites surfaces, pour le jeune homme, le principal problème de la yourte en famille, c'est l'intimité du couple.
Un problème qu'est parvenu à régler Julien, 43 ans, qui a vécu avec sa famille pendant quinze années dans une yourte, installée dans le marais poitevin. Pour gérer la question de l'intimité, Julien et sa compagne ont installé des cloisons visuelles. “La yourte était coupée en trois : une partie était un espace de vie commun où l'on prépare la cuisine et où l'on reçoit, une autre c'était la chambre des parents et le reste celle des enfants”, explique-t-il. Sans oublier que la yourte offre des possibilités modulaires et permet de s'adapter aux évolutions de la vie de famille.
Réfléchir en amont au niveau de confort espéré
Quoi qu'il en soit, avant de s'installer dans une yourte, il est nécessaire de réfléchir en amont pour que l'expérience soit concluante. “Cela nécessite une réflexion sur son mode de consommation et de se demander où est-ce que l'on place le confort ?”, prévient Julien qui a fondé la Frenaie, un atelier d'autoconstruction de yourte.
Cet habitat alternatif ne peut correspondre à celles et ceux qui ont besoin de s'isoler. “La yourte interroge nos modes de vie occidentaux. Ici, pas de cases fermées où chacun à sa piaule et vit sa petite vie de son côté”, alerte-t-il. Aux cloisons, Julien privilégie plutôt l'esprit cocon, “être proche et loin à la fois”, un savant mélange entre proximité et intimité, “une interaction permanente avec ce qui se passe dehors.” Une opportunité unique pour les enfants de tisser un lien fort avec la nature.
Bien qu'ils vivent désormais dans une maison, Julien et sa compagne continuent de dormir dans leur yourte qui se trouve dans la jardin. “Je n'arrive pas à dormir dans un espace carré”, nous raconte-t-il. Ses filles en revanche se sont accommodées de leur nouvelle vie avec beaucoup de facilité et sont très heureuses d'avoir leur propre chambre !