Matthieu M. - Publié le 14 juin 2021
UTOPIE - Trois ans après notre passage, nous avons pris des nouvelles de cette communauté installée en Saône et Loire.
En avril 2018, nous avons passé deux jours à Eotopia, écolieu situé à Cronat en Saône et Loire afin de nous plonger en immersion dans cette communauté écolo et vegan, basée sur l'économie du don.
Nous y avions fait la connaissance des fondateurs de l'endroit, Benjamin, Yazmin et leur fille Ada ainsi que les 5 autres résident-es permanent-es, qui s'étaient installés dans cette grande maison et ses 3 hectares de terrain en 2016.Comment ce projet de vie utopiste a-t-il survécu au temps mais aussi au confinement ? Eotopia peut-elle s'inscrire durablement dans le temps ? Nous avons pris de leurs nouvelles.
“La vie communautaire est difficile. Pour certaines personnes c'était trop d'investissement”
“Nous sommes toujours là !”, s'exclame Benjamin, 36 ans, qui semble presque étonné que leur éco-lieu existe toujours. Toujours debout mais les résident-es ne sont plus les mêmes : plus aucune personne rencontrée il y a trois ans, hormis Benjamin, sa compagne Yazmin et leur fille, ne vit aujourd'hui à Eotopia. Que s'est-il passé ? “La vie communautaire est difficile. Pour certaines personnes c'était trop d'investissement, faire deux réunions par semaine. Elles avaient envie d'autonomie et sont parties du projet”, nous confie-t-il.
D'autres ont préféré quitter l'éco-village après “avoir découvert de nouvelles valeurs qui n'étaient pas incarnées par le lieu”, ajoute Benjamin. Mais depuis août 2020, un nouveau groupe s'est constitué et Ecotopia compte désormais une dizaine de résident-es permanent-es. “C'est la première fois qu'on est aussi nombreux de manière pérenne”, souligne-t-il.
Après l'explosion du groupe d'origine, Benjamin et Yazmin ont pris conscience qu'il était nécessaire de lâcher du leste et d'accepter une vision moins conforme à leur objectif premier. “On se mettait trop la pression sur les enjeux écologiques, c'était devenu trop professionnel”, se souvient-il. Plus de souplesse donc, mais ce n'est pas pour autant que l'écologie ait été laissée de côté. Bien au contraire.
Un projet toujours écolo qui est devenu plus souple
Les toilettes sèches sont toujours là, les résident-es dépensent un minimum, achètent le plus possible en seconde main, partagent les trajets en voiture. “On se débrouille pas mal avec le jardin, l'autonomie énergétique on en est encore loin, l'eau est celle du réseau mais on réutilise l'eau de pluie”, nous apprend Benjamin, “on est pas mal, mais on peut vraiment faire plus.”
Les nouvelles constructions ainsi que les rénovations sont faites à partir de matériaux naturels et recyclés. Ce fut le cas de leur cabane de 20 m2, dans laquelle vit le couple et leur fille. “On l'a faite avec des palettes remplies de terre paille et des enduits en terre”, indique Benjamin. La famille ne vit plus dans la maison qui est devenue collective. “On avait besoin d'intimité. À partir du moment où l'on a eu ça, ça a tout changé. Ça permet aux personnes de s'approprier la maison”, précise-t-il.
Plus personne n'y vit à l'année, le reste des résident-es sont installés dans les six caravanes et la yourte. Une deuxième cabane est en construction et une vieille grange est en cours d'aménagement pour en faire un dortoir ainsi qu'une salle de musique.
“On veut montrer qu'on a des habitudes bizarres mais qu'on est normaux !”
Autre grand projet qui anime Eotopia depuis quelques mois : l'ouverture d'un café associatif, Au Jolivert, à Cronat. “Une personne nous a fait un don et on a eu une subvention de la région, alors on a acheté un bâtiment dans le village”, explique Benjamin. Ce projet porté par Yazmin fera office de salon de thé, d'atelier de réparation de vélo, d'espace de co-working mais abritera aussi des événements intergénérationnels. “Dans l'écolieu on est un peu reculté, on peut faire un peu peur de par nos choix. On veut montrer qu'on a des habitudes bizarres mais qu'on est normaux !”, s'enthousiasme Benjamin. Les résident-es ont lancé une campagne de financement participatif pour finaliser le projet.
Une ouverture d'autant plus nécessaire car Eotopia n'a pas pu recevoir de visiteurs et visiteuses pendant un an, Covid oblige. Malgré cela, l'organisation même de l'écolieu a permis aux habitant-es de mieux vivre cette période de confinement. “On a été très privilégié avec trois hectares et une dizaine de personnes sur le lieu. On a eu une activité très riche, c'était chouette de prendre du temps pour consolider le groupe”, se remémore-t-il. À la fin du mois d'août, Eotopia organisera une grande rencontre avec le public pour partager leurs connaissances et “aider chacun à trouver sa vérité.”
Quand on lui demande s'il se voit encore longtemps à Eotopia, Benjamin répond : “Tous les 6 mois on se demande si on va partir, est-ce qu'on s'arrête là ? On a le sentiment que le projet se construit indépendamment de nous et on se sent libre de partir quand on veut.” Pour voguer vers le Mexique notamment, pays dont est originaire Yazmin.