Lisa Hör - Publié le 10 mai 2019
AGRICULTURE URBAINE - Mais pourquoi donc se cassent-ils le dos, sous la pluie en plus ? Nous avons passé l'après-midi avec des jardiniers amateurs, occupés à creuser une mare dans leur potager urbain. Et ils nous ont convaincu de rejoindre un jardin associatif.
Les pieds dans la boue, ils sont six à se relayer à la pioche et à la pelle, bien décidés à creuser cette mare au milieu de leur potager partagé. Même la grêle qui tombe par intermittence n'entame pas l'enthousiasme des jardiniers. "J'ai encore des courbatures de mercredi !", s'exclame en riant Magali, ciré sur les épaules et bonnet sur la tête.
Mercredi 1er mai, soleil et jour férié oblige, il y avait foule au jardin partagé Cury, géré par l'association J'aime le Vert, à Alfortville, en Ile-de-France. Qu'est-ce qui peut bien pousser ces quelques bénévoles à remettre ça sous la pluie ? Certes, en ce samedi 4 mai 2019, ils sont mobilisés pour les 48h de l'agriculture urbaine. Mais cela n'explique pas tout !
Découvrir leurs motivations vous donnera peut-être envie de rejoindre à votre tour un jardin partagé ? Voici 5 bonnes raisons de cultiver la terre en plein milieu de votre ville !
1 - Pour créer votre coin de nature en ville, au milieu du béton
Stéfany a découvert ce jardin urbain près de chez elle, il y a quatre ans, juste avant la fête des voisins. Elle s'est tout de suite beaucoup investie. "J'ai vu Lydie, la présidente de l'association, en train de bricoler, elle m'a proposé de les rejoindre. Je me suis dit qu'il y avait du potentiel. 10 jours plus tard, j'avais les clés." Avec un ami, elle "fait les poubelles" pour aménager le terrain avec de la récup'. Comme ces bacs à fraisiers, qui viennent d'une maison de retraite récemment fermée. "Je voulais que ce soit vraiment beau, et que tout le monde se dise, avec zéro moyen, ils ont réussi à faire ça."
Aujourd'hui, Stéphany s'occupe d'accueillir les visiteurs et veille à tout ce que soit rangé. Pour elle, le jardin ne tiendrait pas sans l'énergie de Lydie, "le pilier", absente ce jour-là, mais qui court partout, s'occupe de la paperasse, et a convaincu la mairie de laisser l'aventure se poursuivre.
Il n'empêche, Stéphany déborde d'énergie. D'où lui vient-elle ? Sa réponse est simple : "Quand on habite en ville, ça devient un besoin de se retrouver dans un coin de vert, de planter. J'avais besoin d'un jardin pour m'épanouir."
2 - Pour transmettre à vos enfants le respect de la nature
Magali a d'abord rejoint l'association pour apporter ses déchets de cuisine dans le composteur partagé. Mais depuis que la mairie a donné l'autorisation de planter en pleine terre dans cette parcelle où s'élevait auparavant un pavillon, elle s'est prise au jeu. Et vient avec ses enfants pour travailler le potager. "En zone urbaine, il y a des enfants qui n'ont vu des animaux que dans les livres. Quand on touche la terre, on la respecte beaucoup plus, affirme-t-elle. Nos enfants seront responsables de la nature. Ce sont eux notre petit bout d'éternité." May, 8 ans, est déjà une grande protectrice des vers de terre - elle en sauve un in extremis d'un coup de pelle, avant de retourner faire quelques semis.
3 - Pour sortir de votre zone de confort
Mais jardiner n'est pas naturel pour tout le monde. "Je voulais découvrir un domaine dans lequel je n'étais pas très active, sortir de ma zone de confort", explique Katia, qui a décidé de faire un service civique dans cette association. "Ça m'a fait casser certains à priori, par exemple que l'écologie ne me concernait pas vraiment. J'ai découvert des gens et pris quelques habitudes, comme le tri sélectif."
4 - Pour vous connecter avec d'autres passionné-es
À l'heure où beaucoup rêvent de s'expatrier au vert, Patrick, lui vient de quitter ses 4000 m² de terrain à la campagne pour une maison avec un (petit) jardin près de Paris. Deux avantages à cette nouvelle vie : d'abord, plus besoin de conduire 150 km pour aller travailler, et puis, paradoxalement, c'est ici plus facile de rencontrer d'autres mordu-es de nature. "À la campagne, c'est plus difficile de se connecter avec les autres, les gens ne se préoccupent pas de faire un jardin partagé, estime-t-il. Alors qu'autour d'ici, tu as peut-être 100 personnes qui s'intéressent à la permaculture."
Ce mode de culture, qui est aussi une façon de façonner son cadre de vie, repose sur trois principes : "respecter l'humain, respecter la terre et partager les richesses". Et c'est justement ce qui passionne notre dernier témoin du jour.
5 - Pour avoir le droit d'expérimenter et de vous tromper
Suite à une formation ouverte organisée par la mairie d'Arcueil, Fabrice a écumé les forums pour en apprendre toujours plus sur la permaculture. Il a acheté une petite ferme à retaper dans l'Allier et expérimente la culture de pommes de terre au milieu des orties. Mais il se rend vite compte que ce savoir n'est pas toujours facile d'accès. "Sur les forums, les gens demandent, est-ce que j'ai le droit de faire ça en permaculture ? On peut avoir l'impression que c'est une doctrine", constate-t-il. Il préfère appréhender cette philosophie "plus comme une voie que comme un aboutissement" et prône donc le droit à l'erreur, et à corriger au fur et à mesure.
Une approche indispensable dans un jardin partagé, où les avancées se font "en fonction des volontés de chacun". Pas toujours dans le bon ordre (d'après Fabrice il n'était pas vraiment nécessaire d'aménager des buttes pour cultiver ici), mais peu importe !
D'ailleurs, tout le monde n'est pas toujours d'accord. Fabrice voudrait bien laisser la nature s'exprimer le plus librement possible, quand Stéphany ne peut s'empêcher d'arracher quelques "mauvaises herbes" ici ou là. Un sujet de plaisanterie récurrent entre eux. Et au final, tout cela s'équilibre !
Alors, convaincu-e ? Il ne vous reste plus qu'à trouver un jardin partagé près de chez vous !