Amélie Clère - Publié le 21 mars 2022
HABITAT PARTICIPATIF - À Montauban, des amies retraitées se battent pour trouver un endroit où elles pourraient vivre ensemble et prolonger leur autonomie.
Ginette, Françoise, Babette, Marie-Claude, Marie-Luce, Madeleine, Sylviane, Michelle, Huguette, Sophie, et Dominique... Depuis maintenant 6 ans, ces 11 mamies, âgées entre 64 et 84 ans, ont créé l'association La Maison d'Isis. Leur objectif ? Trouver un immeuble avec des logements individuels et adaptés aux personnes vieillissantes dans la commune de Montauban.
"On est toutes d'accord pour se dire qu'à nos âges, on ne veut pas dépendre de nos enfants. On veut être autonomes le plus longtemps possible", nous raconte Françoise, vice-présidente de l'association. L'idée d'habiter dans un même endroit leur est venu après avoir entendu parler de la Maison des Babayagas, une communauté autogérée pour femmes âgées à Montreuil.
Elle ajoute : "Il y a un vide après le moment où on part à la retraite et où on a besoin de soins médicaux par exemple. La silver économie l'a bien compris : on a des résidences secondaires pour les riches seniors, ça, ça existe. Mais pour les moyens et les petits seniors, ça n'existe pas. D'où un projet d'habitat participatif qui apparait comme une alternative crédible".
Un premier projet avorté
Réunions avec un accompagnateur spécialisé dans les habitats participatifs, cahier des charges et charte en main… Dès la formation de leur association en 2015, les dames de La Maison d'Isis sont allées voir un bailleur social pour proposer leur idée et trouver un bien foncier pour leurs nouveaux logements. Tout semblait se passer sans problème, un lieu leur avait même été proposé.
Puis au bout de 4 ans, le bailleur a dû abandonner leur projet par manque de moyens financiers. "On nous avait promis pendant tout ce temps que nous allions avoir un immeuble. De plus c'était juste avant le confinement, ç'a été un coup de massue pour nous. Notre beau projet est tombé à l'eau", se rappelle la vice-présidente.
Mais les 11 amies ne désespèrent pas. Elles se sont tournées du côté d'organismes qui pratiquent le béguinage, où constructeurs et promoteurs valorisent l'économie sociale et solidaire en participant à la construction de logements collectifs pour seniors.
En parallèle, elles continuent toujours à prospecter dans leur ville. "Le problème c'est qu'on manque de moyen. On n'a pas d'argent à mettre, surtout qu'à nos âges c'est compliqué d'emprunter à la banque. Nous ce qu'on veut, c'est un projet social : ce n'est pas que notre immeuble, on veut le faire vivre, associer les gens au projet et les faire participer", ajoute Françoise.
Elles travaillent aussi avec des chercheurs universitaires de Hal'âge, une association pour l'habitat et le bien vieillir. Prochainement, quelques-unes d'entre elles partiront avec eux en Belgique et en Allemagne pour s'inspirer des habitats participatifs qui fleurissent depuis déjà plusieurs années à l'étranger.
Vieillir ensemble et prendre soin les unes des autres
"C'est une sacrée aventure à notre âge !", s'exclame Françoise. Conscientes de la chance qu'elles ont d'habiter dans la même ville, elles feront tout pour pouvoir avancer ensemble, le plus longtemps possible afin de pouvoir prendre soin les unes des autres. Car oui, bien vieillir, c'est aussi vieillir ensemble et entourées. "C'est important de se retrouver avec des personnes que vous avez choisies. C'est mieux que si vous allez dans une maison de retraite : vous êtes obligé de quitter tous vos repères et vous arrivez dans un endroit où vous ne connaissez personne, c'est très difficile", dit Françoise.
Ensemble, certes, mais tout en ayant leur propre appartement pour garder leur intimité et recevoir individuellement leurs proches. "D'autant plus qu'on est très autonomes, on n'est pas encore à un âge où il faut qu'on nous fasse la cuisine et le ménage", justifie-t-elle.
En dehors de leur petit cocon personnel, elle souhaitent développer leur vie associative dans l'immeuble, principe fondamental de l'habitat partagé. "Il y a un tas de choses qu'on est encore capables de faire. On a quand même les neurones qui fonctionnent !", affirme la vice-présidente. Ateliers, réunions, débats sur la littérature, grands repas, anniversaires, ou même faire faire les devoirs aux enfants qui viennent... Grâce à une salle commune, elles veulent proposer toutes ces activités à ceux qui le souhaitent, que ce soit à leurs adhérents, leurs familles, amis et même voisins et habitants de Montauban.
Une belle initiative pour entretenir du lien social et éviter l'isolement des personnes âgées. "On a cette force collective et chaque fois qu'on se réunit, on se ressource. Quand on n'a pas le moral, on est là pour se soutenir. C'est magnifique, pas besoin d'aller chez le thérapeute et de sortir les sous", conclut-elle.
Découvrez la maison des Babayagas, qui a servi de modèle à Françoise et ses amies :