Matthieu M. - Publié le 19 octobre 2019
SOLIDARITÉ - Grâce à l'association Lazare, la jeune femme a trouvé une place dans une colocation solidaire où le vivre ensemble est une valeur essentielle.
Depuis le mois de septembre, Aliénor, 28 ans, a intégré une colocation pas comme les autres lors de son arrivée à Nantes, une colocation solidaire où cohabitent des personnes qui vivaient dans la rue avec de jeunes actifs.
Un projet de vivre ensemble portée par l'association Lazare. “Donner un toit directement à quelqu'un qui a été la rue, ce n'est pas suffisant”, explique Aliénor, “l'idée c'est de vivre ensemble pour permettre à ces personnes de se relever pour retrouver de l'autonomie.” Une initiative solidaire qui n'existe pas seulement à Nantes, mais dans d'autres villes françaises telles que Lyon, Toulouse ou Marseille mais aussi à Madrid et Bruxelles.
S'impliquer dans la vie de la colocation est une nécessité
L'association a ouvert huit maisons en France, divisées en appartements non-mixtes dans lesquelles vivent entre six et huit personnes. Aujourd'hui elles s'autofinancent en grande partie grâce aux loyers payés par les colocataires. “Chaque personne qui arrive dans l'appartement est responsable de verser son loyer”, précise Aliénor.
Les personnes qui sortent de la rue et n'ont pas de travail sont aidées par la Caisse d'Allocation Familiale (CAF) ou le Revenu de Solidarité Active (RSA). Dans la colocation nantaise d'Aliénor, chacune paie 300 euros de loyer “et on ajoute 70 euros par mois pour les courses, car nous les faisons ensemble”, explique-t-elle.
Car celles et ceux qui sont uniquement intéressé-es par un loyer bas font fausse route. “Vivre ici est une implication, il faut vouloir vivre l'aventure”, annonce Aliénor. Pas question de vivre entre les mêmes murs sans passer du temps ensemble.
Tous les jeudis soirs, les colocataires ou colocatrices ont pour obligation de dîner ensemble, un moment de convivialité essentiel pour échanger, apprendre à se connaître. Une vie communautaire qui correspond aux aspirations et aux envies de la néo-nantaise.
Changer de ville pour trouver plus de sens à sa vie
Elle se souvient : “Je bossais dans un grand groupe à Paris. Je sentais qu'il y avait une fracture entre la vie au boulot où l'on est dans un espace protégé et la vie dans mon quartier où il y avait beaucoup de misère. J'ai fait quelques maraudes mais ce n'était pas la solution. J'aspirais à une vie avec des gens de milieux sociaux différents au quotidien.”
Quand elle repère une offre d'emploi au service de la communication de l'association, elle saute sur l'occasion pour changer de vie (et de ville). Une fois le poste obtenu, la jeune femme fait le choix d'expérimenter les colocations solidaires pour lesquelles elle s'apprête à travailler. “Pour moi c'était une évidence”, souligne-t-elle.
Après un rapide entretien avec les responsables de la maison, Aliénor est autorisée à intégrer la colocation nantais. Elle vit désormais aux côtés de huit femmes âgées entre 23 et 66 ans. Une expérience marquante. “J'ai fait beaucoup de colocation mais je n'ai jamais expérimenté ce niveau d'écoute, de disponibilité”, nous raconte-t-elle. Et d'ajouter : “ce qui est incroyable ici c'est l'accueil. Dès qu'une nouvelle personne s'installe, on fait en sorte de préparer un bon dîner, de mettre des fleurs dans sa chambre.”
Cohabiter ne signifie pas prendre la place des assistants sociaux
Bien que les personnes avec lesquelles ils cohabitent ont parfois une histoire compliquée liée à leur passage dans la rue, les locataires ont pour consigne de ne pas se substituer aux assistants sociaux qui accompagnent les anciennes personnes sans-abri. “On ne se prête pas d'argent, par exemple”, rappelle Aliénor.
Beaucoup de jeunes actifs entendent parler de l'association et de ses maisons grâce aux déjeuners de l'amitié organisés par les colocations. “Tous les premiers dimanche du mois, on invite tous les voisins et pas mal de gens qui sont à la rue. Ils découvrent l'association avec le bouche-à-oreille puis ils attendent qu'une place se libère”, explique-t-elle.
Et cette expérience originale de vivre ensemble porte ses fruits : “40 % retrouvent un emploi à la sortie et 85 % un logement autonome”, nous apprend Aliénor. De petits studios situés non loin des maisons servent de transition vers la vie autonome.
Ce soir, la chargée de communication de Lazare participe à une formation sur la communication non-violente avec toute la maison nantaise : “Ici on vit vraiment ensemble, on ne fait pas que se croiser. C'est important d'apprendre à dire les choses.”