Matthieu M. - Publié le 23 janvier 2019
CONSTRUCTION - L'association Faire Avec entend mettre fin au mal-logement en se servant des matériaux neufs inutilisés pour améliorer l'habitat des plus pauvres.
Comment limiter le gaspillage occasionné par le milieu de la construction tout en améliorant le logement des personnes précaires ?
C'est le défi qu'a l'intention de relever trois femmes architectes au sein de l'association Faire Avec, qui “met en lien des matériaux inexploités avec des besoins d'amélioration de l'habitat”, explique son site internet.
Et il est urgent d'agir comme nous le rappellent les chiffres de la fondation Abbé-Pierre : en 2017 en France, 2 090 000 personnes étaient privées de confort. Pendant ce temps, le secteur du BTP reste l'une des industries qui produit le plus de déchets !
Trois architectes qui veulent changer le monde
Quand elles se sont rencontrées dans leur espace de travail, les architectes Gwenaëlle Rivière, Clothilde Buisson et Clara Piolatto ressentaient le besoin de repenser leur métier, “de redonner du sens à notre travail de tous les jours”, nous explique Clara.
Et l'architecte d'ajouter : “deux bras ne suffisent pas quand on veut changer le monde, il faut penser ensemble pour faire évoluer les choses.”
C'est ainsi qu'elles décident de travailler ensemble autour d'une initiative solidaire, qu'elles présentent en 2017 à l'occasion d'un appel à projet lancé par Faire Paris. Elles ne remportent rien mais élaborent les bases d'un système qui deviendra ensuite l'association Faire Avec.
Les trois femmes mettent en commun leur savoir-faire, des expériences complémentaires qui permettent de préciser leur cheval de bataille. Alors que Gwénaëlle et Clothilde sont plus sensibles aux problématiques du gaspillage, Clara quant à elle connaît mieux l'univers de la précarité.
“Pendant mes études, j'avais fait mon service civique dans un centre d'hébergement”, nous raconte Clara Piolatto, “mais je n'avais pas les épaules pour être travailleuse sociale, c'est un métier extrêmement lourd.” Pour agir, elle se tourne vers l'architecture, un moyen d'améliorer la vie des autres en travaillant sur les espaces.
Premier défi : transformer un centre d'hébergement en lieu de vie confortable
Pour mettre en pratique leurs ambitions, l'association d'architecture travaille aujourd'hui sur le projet de rénovation du centre d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) Emmaüs Dunand dans le 14ème arrondissement de Paris. L'objectif ? Permettre à chaque habitant du centre de bénéficier de sa propre chambre.
Pour cerner au mieux les besoins des futur-es habitant-es, les trois architectes se sont installées sur le site. “Les gens qui habitent le lieu ont le pouvoir de dire ce qu'ils veulent”, précise Clara.
Pour le moment, les questions des habitant-es tournent principalement autour de l'accès au bâtiment rénové et émettent quelques appréhensions sur le temps des travaux et la problématique du relogement qui n'a pas été définie.
Mais la principale difficulté du projet en cours reste celle de répondre aux demandes des hébergé-es sachant qu'ils ne sont pas censé-es rester dans le centre, “puisque l'objectif c'est la réinsertion”, précise-t-elle. Il faut être à l'écoute tout en essayant de présenter un scénario flexible, “pour qu'un jour le centre puisse être transformé en immeuble résidentiel si cela est demandé”.
Des matériaux neufs inutilisés à récupérer auprès des entreprises et particuliers
Avant le début des travaux, l'association observe et effectue un travail de veille important auprès de différentes plateformes afin d'identifier les différents matériaux inexploités de fin de chantier qu'elle va pouvoir mobiliser. Un pari compliqué sachant que l'offre est hétérogène : câbles électriques, panneaux d'OSB, carrelage, étanchéité voire lampes de chevet.
“Nous visons l'amélioration de l'habitat pour tous, l'idée n'est pas d'être stigmatisant et d'aller faire les poubelles pour aider les pauvres”, précise Clara.
Par ailleurs, les trois architectes ne comptent pas se fournir seulement auprès des entreprises. Les particuliers qui viennent de terminer des travaux et se retrouvent avec des matériaux neufs qu'ils ne peuvent plus se faire rembourser, sont invités à se rapprocher de l'association si jamais ils souhaiteraient faire un don !
En attendant de nouveaux projets, Faire Avec entend garder le cap, celui de “faire avec des ressources inexploitées, et faire avec des gens qui ne sont pas pourvus de ressources”, conclut Clara.