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ÉGALITÉ - En France, on compte 11,9% de femmes dans les métiers du bâtiment. Leïla Ouadah, fondatrice de D.A.M.E.S, cherche un nouveau souffle pour changer les choses.

"Je suis en tenue de combat, là", s'exclame Leïla Ouadah, désignant son vêtement de travail, lorsqu'on lui demande par téléphone si elle exerce toujours sur les chantiers. La dirigeante de l'entreprise de rénovation E.I D.A.M.E.S a fondé une association du même nom pour former les femmes aux métiers du bâtiment. À 50 ans, elle est sur tous les fronts, et continue de mettre les mains dans le plâtre.

Lorsqu'on la retrouve quelques heures plus tard dans une maison en travaux de Rosny-sous-Bois, en Île-de-France, elle tire des câbles électriques, avec l'aide de son ancienne salariée Hélène Petit.

Ici, elles travaillent avec deux artisans hommes - partis en pause déjeuner au moment de notre passage. Mais cette parité est loin d'être la norme sur les chantiers en France.

En 2015, les femmes représentaient 11,9% des travailleurs dans le bâtiment, d'après la Fédération Française du Bâtiment. Et encore ! Seules 1,5% d'entre elles travaillaient dans les métiers manuels, les autres étant dirigeantes d'entreprises, conductrices de travaux ou employées à des postes administratifs.

C'est face à ce constat que Leïla Ouadah a décidé de monter son association en 2008 pour encourager les femmes à investir ce secteur porteur.

Leïla Ouadah sur un chantier à Rosny-sous-Bois.

Leïla Ouadah sur un chantier à Rosny-sous-Bois. © Lisa Hör

De nouvelles perspectives professionnelles

Elle-même a découvert ce milieu à 14 ans aux côtés de son père, maçon-carreleur, et comptabilise aujourd'hui 25 ans sur les chantiers. En 2002, elle crée une première entreprise de sous-traitance du second oeuvre (toiture, électricité, plomberie...).

À force de constater l'absence de femmes dans son métier, et forte de son expérience positive, elle décide de montrer aux autres qu'elles peuvent elles aussi y trouver leur place.

"Non seulement il y a de l'emploi mais aussi beaucoup de perspectives d'évolution", explique-t-elle. "On peut créer sa propre structure ou être auto-entrepreneuse." Une autonomie qui permet d'arbitrer librement entre son temps de travail et sa vie familiale.

C'est aussi un argument commercial qu'elle met en avant : les clients apprécient de travailler avec des femmes, "plus exigeantes", avec un "relationnel différent", et plus attentives à respecter leur intimité et leur lieu de vie, d'après elle.

Pour Hélène Petit, 36 ans, l'entrée dans le bâtiment ne s'est pas faite aussi naturellement. "Je voulais une formation manuelle, mais mes parents, n'ont pas voulu... parce que j'étais une fille", lâche-t-elle. C'est avec E.I. D.A.M.E.S qu'elle se forme finalement sur le terrain, avant d'encadrer un chantier-école pour l'association.

Hélène Petit a encadré un chantier-école.

Hélène Petit a encadré un chantier-école. © Lisa Hör

Elle s'apprête à présent à débuter un nouveau chapitre de sa vie professionnelle. Elle animera bientôt des ateliers de formation à l'isolation, plâtrerie ou encore peinture. Ce chantier de Rosny-sous-Bois est le dernier sur lequel elle travaille avec Leïla Ouadah.

Une vingtaine de femmes accompagnées

En 2014, 12 femmes ont passé six mois à rénover une maison de maître de 130 m2, en contrat d'insertion. Elles n'avaient jamais travaillé auparavant et élevaient seules leurs enfants, ou bien étaient en situation de précarité. Une partie d'entre elles est ensuite partie en formation pour se spécialiser comme plaquistes ou encore électriciennes.

En tout, une vingtaine de femmes ont été accompagnées par l'association en 8 ans. Leïla Ouadah fait appel à certaines pour des missions ponctuelles, tout en veillant à la mixité sur ses chantiers.

"Ça fait des bonnes équipes, estime-t-elle. Avec les hommes, ça se passe bien... jusqu'à ce qu'on leur dise ce qu'il faut faire." Elle remarque somme toute que la mixité a un impact positif sur les hommes comme sur les femmes, et sur l'ambiance du chantier.

Elle balaie les arguments concernant la condition physique : “La pénibilité concerne les hommes et les femmes. D'ailleurs, elles sont nombreuses à exercer des métiers difficiles comme l'aide à la personne.” Un métier où il faut par exemple porter les personnes invalides.

Trouver de nouveaux partenariats

Aujourd'hui Leïla Ouadah reçoit de nombreuses demandes de femmes, mais ne plus les accepter, faute de subventions et de chantiers suffisamment longs pour les former correctement. “Sans appui, on s'essouffle”, confie-t-elle.

Le chantier de Rosny-sous-Bois.

Le chantier de Rosny-sous-Bois. © Lisa Hör

Elle déplore que les politiques et les institutions investissent beaucoup dans la communication sur la place des femmes dans le bâtiment, mais peu dans des actions concrètes. 8 ans après le début de son engagement, les statistiques sont toujours les mêmes.

La cheffe d'entreprise, qui travaillait encore 80 heures par semaine il y a peu, lève le pied avec le départ de sa salariée, mais ne dépose pas les armes.

Elle réfléchit aux moyens de pérenniser son projet. Peut-être à travers des partenariats avec d'autres associations, dans d'autres régions ? Peut-être avec de nouveaux chantiers d'envergure chez des particuliers ? Ou avec le soutien de grandes entreprises ? Avis aux intéressé-es.