Matthieu M. - Publié le 28 mai 2018
SOLIDARITÉ - Depuis sa création, l'association nantaise est parvenue à acheter 19 appartements pour y loger des personnes sans-abri.
“C'est une idée incroyable qui permet de passer de l'indignation à l'action”, explique l'acteur Lambert Wilson, parrain d'honneur de l'association. “Toit à moi” a développé une stratégie pour la moins originale pour lutter contre le mal-logement : depuis 2007, elle achète des appartements grâce aux dons des bénévoles pour y loger les personnes sans-abri.
“Nous avons réussi à acheter 19 appartements depuis la création de l'association”, explique Denis Castin, cofondateur de Toit à moi. Grâce à la mobilisation de bénévoles, 8 appartements supplémentaires vont être achetés cette année.
L'association a commencé son action à Nantes pour s'étendre à Angers, Toulouse et la région parisienne. “L'objectif est de s'étendre à toute la France”, nous explique Denis Castin.
Acheter des appartements grâce à l'engagement des bénévoles
Comment ça marche ? Il suffit “d'une centaine de personnes qui vont donner en moyenne 20 euros par mois pour permettre de rembourser un emprunt sur 5 ans”, indique-t-il.
C'est le cas de Marie-Christine, 63 ans, bénévole pour l'association qui donne 30 euros par trimestre à l'association. “Je n'y fais même plus attention, dans mon budget cela représente vraiment une somme infime”, précise-t-elle.
Marie-Christine reconnaît qu'au départ, elle “trouvait l'idée un petit peu utopique”, mais cela ne l'a pas gêné son envie de participer. Cela fait désormais 10 ans qu'elle est bénévole au sein de l'association. Les dons des bénévoles permettent de rembourser le prêt que contracte Toit à moi auprès des banques.
Ces dernières n'ont pas été faciles à convaincre, “c'était un peu touchy” reconnaît Denis Castin, “elles avaient des doutes sur le fait que les gens s'engagent pendant 5 ans.” Mais le succès de l'opération efface les craintes des financiers, et l'association bénéficie aujourd'hui de deux grandes banques partenaires.
En revanche, les appartements ne sont pas la propriété de celles et ceux qui y vivent. Les nouveaux résidents signent un bail de location classique auquel ils doivent participer financièrement “en payant un petit loyer, lorsque cela est possible” indique Denis Castin.
Laisser du temps pour mieux rebondir
C'est le cas de Serge, 50 ans, logé par l'association depuis 20 mois après avoir passé plusieurs semaines à dormir “caché dans une cage d'escalier”. Il habite un joli appartement de 40 m2 dans “un quartier tranquille de Nantes”, qu'il loue 20 euros par mois.
Ce qui caractérise, l'action de Toit à moi, c'est le fait de proposer un logement individuel pour une période non définie et un accompagnement personnalisé. Le tout est de laisser à la personne le temps d'aller mieux pour rebondir.
Lorsque les accompagnés “sont aptes à assumer une vie nouvelle, à se réinsérer”, souligne Serge, ils peuvent quitter l'appartement de l'association.
Après avoir connu une longue période de précarité, Serge est désormais salarié de l'association. “Un poste de cuisinier en CDI”, indique-t-il. Malgré cela, il confie avoir besoin de l'accompagnement de l'association : “je me sens encore fragile”, explique-t-il.
Un logement d'abord pour accompagner sur le long terme
Toit à moi s'inscrit dans une démarche du “logement d'abord”, “housing first” en anglais, préconisée par la Fondation Abbé Pierre. Elle consiste à proposer un logement autonome, sans passer par la case de l'hébergement d'urgence.
Cette stratégie s'inscrit dans une logique d'accompagnement, chère aux bénévoles de l'association : “Le seul critère requis c'est d'accepter la prise en charge que l'on prodigue”, ajoute Denis Castin.
Pour ce faire, l'association dispose en moyenne d'un travailleur social pour 5 appartements. “Le logement est un élément clé pour que la personne puisse se projeter”, souligne-t-il. Toit à moi accompagne les personnes à la création d'un projet, “professionnel ou non”, précise d'ailleurs M. Castin.
Le tout est de définir des aspirations, essayer de concevoir une vie sur le long terme. Et d'ajouter : “on dit personne sans-abri, mais ce sont des personnes qui, à un moment de leur vie, sont sans-abris. L'enjeu est de sortir le plus de monde possible de l'exclusion.”