Clémence Leleu - Publié le 10 août 2015
VACANCES - Planter sa tente dans le jardin d'un inconnu, voilà le pari du gamping. Nouveau réseau de logement de vacances alternatif.
Une pelouse bien verte, quelques chats qui y gambadent et ... c'est tout. C'est ici, à Bréville-les-Monts en Basse-Normandie que Kelly et Thibault ont décidé de planter leur tente. Jusque-là, rien d'original. Sauf que le terrain ne leur appartient pas et qu'ils ne sont pas non plus dans un camping. Ils sont installés dans le jardin de Laure Michel, une infirmière qui accueille depuis ce printemps des visiteurs d'un nouveau genre : les gampeurs.
L'idée est simple mais était jusqu'ici inexploitée. Vous offrez votre terrain à des visiteurs de passage pendant une ou plusieurs nuits, le tout contre une poignée d'euros. Derrière ce projet se cache Joseph Léopold. Amateur de camping sauvage et peu attiré par les campings traditionnels, il a eu cette idée alors qu'il rentrait de vacances il y a deux ans et qu'il s'est retrouvé à la porte, car sans ses clés.
"J'ai dû passer la nuit dans mon jardin, en attendant qu'on vienne m'ouvrir le lendemain. Je me suis rendu compte que c'était une bonne alternative. Le terrain était clos, donc pas de risque de vol, et j'avais tous les avantages du camping sans les inconvénients", explique le jeune homme.
Il se lance alors dans la création d'un site dédié qu'il nommera gamping, "ga" pour "garden" (jardin en anglais, ndlr.) et la suite pour camping. Chacun est libre d'y proposer son terrain et de fixer le prix de la nuitée. Les vacanciers n'ont plus qu'à prendre contact avec l'annonceur, un peu à la manière d'Airbnb, et le tour est joué.
Ils sont plusieurs milliers à avoir proposé leur jardin. "Le site est en pleine expansion. Avec le bouche à oreilles, les gens commencent à connaître et nous avons de plus en plus de réservations. Même à l'étranger", confie l'ancien étudiant en école de commerce.
Les avantages du camping sans les inconvénients
Kelly et Thibault, originaires de la région parisienne, ont décidé de visiter la Normandie sur un coup de tête et c'est l'annonce de Laure qui a retenu leur attention. "Tout était très bien expliqué, les photos étaient belles et le contact est bien passé lorsque nous lui avons envoyé un mail", raconte Kelly, confortablement installée sur une chaise de jardin.
C'est donc à Bréville, à dix minutes de Caen et Cabourg, au milieu des boccages normands, qu'ils ont planté leurs sardines. Et le moins que l'on puisse dire c'est qu'ils sont ravis. Entre deux balades à la plage, ils profitent du vaste terrain de Laure, où ce soir, d'autres gampeurs viendront poser leur tente et pourquoi pas partager un barbecue. "On a de la place, c'est calme et convivial. On discute avec Laure, ça crée du lien. Il y a tous les avantages du camping, sans la queue interminable aux sanitaires et aux lavabos de vaisselle", confie Kelly dans un sourire.
Un vecteur de rencontres
Laure a pour le moment accueilli dans son jardin d'environ 3 000 m2 cinq groupes, majoritairement des Français. "Mais j'ai aussi reçu des Australiens et des Hollandais. Ils sont très curieux de mieux connaître la région alors on discute beaucoup, je leur donne des conseils pour leurs visites", détaille l'hôte, très proche de la nature et qui n'hésite pas à faire découvrir son mode de vie à ses visiteurs.
Entre elle et ses gampeurs, tout repose sur le respect. "Les gens sont tous très respectueux. C'est très important de mettre en avant ces valeurs. Ne pas rester calfeutré chez soi en craignant l'autre. Je n'ai pas peur qu'on me vole quoi que ce soit et ce n'est d'ailleurs jamais arrivé. Je continue à me sentir chez moi. Quand il y a une tente dans le jardin, ça met juste un peu plus d'ambiance et ce n'est pas pour me déplaire ! Ça permet de rencontrer des gens que l'on ne rencontrerait pas autrement. C'est très enrichissant."
En effet, Laure met à disposition sa salle de bain, ses sanitaires et sa cuisine, afin que les gampeurs puissent utiliser le frigo, faire la vaisselle et recharger les batteries de leurs téléphones. Pour le reste, chacun est libre de ses mouvements. Quand Laure part travailler, ses hôtes peuvent s'ils le souhaitent rester dans le jardin ou partir en vadrouille, comme s'ils étaient dans un camping traditionnel.
Pour le moment, Laure n'a pas encore testé la prestation dans l'autre sens mais l'envisage de plus en plus. "Ça m'a donné envie de partir gamper à mon tour. Je trouve que les campings aujourd'hui, c'est l'usine. Ca devient de plus en plus anonyme, tout le monde est perdu dans la masse. Avec le gamping, on crée du lien, tout en étant en harmonie avec la nature. Des Bretons sont venus gamper chez moi au printemps, pourquoi ne pas aller chez eux."
Pour l'année prochaine, Laure envisage déjà d'améliorer un peu plus son terrain en créant trois petits ilots aux milieu des grandes herbes "comme ça si certains veulent plus d'intimité, ils pourront être un peu isolés." Le gamping a donc encore de beaux jours devant lui.