Matthieu M. - Publié le 30 janvier 2018
SOLIDARITÉ - L'association l'Ouvre Porte met en relation des bénévoles avec des personnes sans-abri et œuvre pour que ce geste solidaire soit à la portée de toutes et tous.
Depuis le mois de novembre, Alban, sa femme et leurs trois enfants accueillent dans leur appartement des pentes de la Croix-Rousse, à Lyon, un couple de personnes sans-abri.
Lorsque nous le rencontrons, sa famille et lui les ont déjà reçus trois fois pendant une période de 5 jours. Toujours, le couple leurs cèdent leur chambre pour passer la nuit sur un canapé-lit.
“Au départ ça faisait bizarre à nos ados de voir leurs parents dormir sur un canapé dans un couloir”, explique-t-il en riant.
L'un des enfants s'inquiétait d'avoir des inconnus à la maison, mais très vite la famille s'habitue à ce nouveau mode de vie.
Des conditions d'accueil flexibles
Le geste d'Alban et sa femme peut paraître hors de portée pour nombre d'entre nous. Mais l'association lyonnaise à l'origine de cette initiative solidaire, l'Ouvre Porte, créée en 2017, met tout en place pour que le plus de monde puisse offrir une alternative aux hébergements d'urgence insuffisants.
“L'objectif de l'association, c'est de faire en sorte que tout se passe de la façon la plus souple possible, que personne ne se sente jamais contraint”, nous explique Alban.
Tout le monde fait en fonction de sa disponibilité et de sa capacité d'accueil. De l'étudiante qui vit dans un studio aux retraités qui mettent à disposition à l'année, un étage entier de leur maison, les profils sont tous différents.
“Nous avons indiqué que nous préférerions éviter les week-ends et les vacances scolaires”, indique Alban. L'idée c'est d'être le plus flexible possible pour attirer le plus de bénévoles potentiels.
L'organisation porte ses fruits puisque ce sont 120 personnes qui sont aujourd'hui bénévoles à Lyon, pour 15 personnes sans-abri. De fait, grâce à un système de roulement très rodé, les accueillis ne sont plus jamais à la rue, ni la nuit, ni le jour.
C'est en se rendant à une réunion de présentation qu'Alban et son épouse ont été conquis par l'initiative de l'association. “Cela faisait un petit moment qu'on se demandait concrètement ce qu'on pouvait faire”, nous explique-t-il. 10 jours plus tard, ils recevaient pour la première fois Imrane et Abdullah.
La journée, alors que toute la famille travaille ou étudie, ils restent chez eux et se servent dans le frigo s'ils ont faim. Le soir, tout le monde se réunit pour dîner.
Pendant ces périodes d'accueil, le couple laisse une paire de clefs aux deux personnes qu'il abrite, sans crainte aucune. “Nous n'avons aucun scrupule à laisser nos clefs à des gens qu'on ne connait pas.”
D'autant que pour la première fois, pour que tout se passe bien, un médiateur se charge de faire les présentations.
“Quand on a l'habitude de vivre à 5, ajouter deux personnes dans son quotidien, ce n'est vraiment pas grand chose”, estime Alban.
Un enrichissement culturel et humain
La gêne du début laisse rapidement place à la convivialité et à des échanges chaleureux. L'enrichissement culturel est total. “À leurs côtés, nous avons beaucoup appris sur les phénomènes migratoires en Afrique et sur la vie qu'ils mènent là-bas.”, ajoute-t-il.
Le couple qu'ils accueillent, comme la majorité des personnes prises en charge par l'association, sont des demandeurs d'asile originaire d'Afrique noire.
La condition pour pouvoir bénéficier du toit des “accueillants” est d'avoir entamé une démarche de demande d'asile et de ne pas avoir reçu d'obligation de quitter le territoire.
“Personne n'est clandestin, les bénévoles ne sont jamais dans l'illégalité”, précise Alban.
Venir en aide aux mineurs isolés
L'Ouvre Porte vient également en aide aux mineurs isolés, qui devraient bénéficient normalement de la protection de l'Etat en vertu de la Convention internationale des droits de l'enfant de 1989 et du Code de l'action sociale et des familles.
“L'État est dans l'obligation de les loger les mineurs isolés, nous sommes là pour pallier certains manquements”, ajoute Alban.
Alhassane est l'un de ces mineurs. Hébergé par Fany, une autre bénévole de l'association, ce jeune homme originaire de Guinée a passé près de trois mois dehors avant d'être relogé par l'association.
“J'ai quitté mon pays parce que je n'avais aucune perspective d'avenir. Je viens d'une famille très pauvre, qui ne pouvait pas me payer d'études”, témoigne-t-il.
Depuis son arrivée à Lyon, Alhassane passe ses journées entre le lycée technique dans lequel il étudie la mécanique, et l'appartement de Fany. “C'est une vraie mère pour moi, elle me soutient énormément”, nous explique-t-il.
Bien qu'il confesse que les débuts furent difficiles à cause de la barrière de la langue, les cours de français prodigués par sa bienfaitrice l'aident beaucoup, pour progresser à l'école notamment.
“Au début j'avais un peu peur de vivre chez quelqu'un que je ne connaissais pas, aujourd'hui je suis très heureux”, confie-t-il.
Alban insiste sur l'enrichissement que lui procure cette expérience. “Il faut rester modeste et ne pas passer pour un donneur de leçon. Mais c'est une initiative que je recommande.”
Et de conclure : “Nous ne sommes pas condamnés à désespérer. Nous pouvons tous faire quelque chose, à notre échelle.”