Matthieu M. - Publié le 21 janvier 2021
SOLIDARITÉ - Nightline forme des étudiants pour venir en aide aux jeunes en détresse psychologique. Un outil essentiel pendant la crise sanitaire.
À cause de la fermeture des universités en raison de la crise sanitaire, la grande majorité des étudiants passent leur année scolaire à la maison. Séparés de leurs proches, isolés chez eux, 80% d'entre eux ne voient pas le bout du tunnel de l'épidémie, selon un sondage Odoxa de janvier 2021.
Une situation qui peut avoir des conséquences graves sur la santé mentale des jeunes. Parmi les solutions qui peuvent les aider à traverser cette épreuve difficile, il existe une association d'écoute créée il y a trois ans, Nightline, que les étudiants en détresse peuvent appeler le soir après les cours. Florian Tirana, étudiant et président, nous explique comment elle fonctionne.
18h39 : Pouvez-vous nous présenter Nightline, en quoi consiste cette ligne d'écoute ?
Florian Tirana : Nightline est une ligne d'écoute qui n'est que pour les étudiants et tenue uniquement par des étudiants, c'est la différence avec les lignes généralistes comme SOS Amitié. L'idée, c‘est d'offrir une plateforme d'écoute anonyme et confidentielle, sans jugement et non directive. Tous les étudiants peuvent appeler, dire ce qu'ils veulent, on n'est pas là pour leur dire quoi faire, ni pour les juger dans ce qu'ils ont fait, ils ont la possibilité de raconter ce qui ne va pas, faire part de leurs émotions et vider leur sac. Le but du jeu est de laisser la parole libre. On est ouvert la nuit, de 21h à 2h30 tous les soirs, à un moment où la plupart des services sont fermés et un moment où la solitude peut être particulièrement aiguë.
Les personnes qui répondent au téléphone sont des étudiants bénévoles. En quoi consiste leur formation ?
C'est une formation qui dure 4 jours, on fait ça sur deux week-ends successifs. C'est une formation à l'écoute active, une formation calquée sur celle qui existait dans les nightlines anglo-saxonnes qui ont une expérience d'une cinquantaine d'années. Elles ont été revues et validées par les psychologues avec lesquels on travaille à Paris. Cette formation apprend à écouter, tout simplement, c'est un exercice qui n'est pas si simple au début. Quand on explique comment ça fonctionne, les étudiants sont déroutés, ils ne savent plus quoi dire. Ils ont l'impression que la moindre phrase qu'ils vont dire va être directive, va être jugeante. On fait l'effort de ne poser que des questions ouvertes, il y a plein de petites techniques mais l'essentiel c'est de faire de l'écoute active. On apprend à poser les bonnes questions, à faire preuve d'empathie.
Quelles conséquences la crise sanitaire a-t-elle sur la santé mentale des étudiants ?
Les conséquences sont assez lourdes, au moins à deux niveaux. La première c'est que les étudiants qui avaient déjà des problèmes de solitude ou de santé mentale ou des problèmes relationnels avec leur famille ou amis, tous ces problèmes sont exacerbés par les conditions dans lesquelles ils sont maintenant. C'est beaucoup plus compliqué de communiquer, de se retrouver, d'échanger en vrai pour s'ouvrir et parler de ses émotions. Et deuxième aspect, c'est que ces difficultés touchent à peu près tout le monde aujourd'hui. On est tous pris dans cette logique de solitude où il est compliqué d'aller voir d'autres personnes, de communiquer alors que c'est essentiel pour le bien-être de tout le monde.
Les universités sont fermées et les étudiants passent la plupart de leur temps à la maison. Est-ce que le fait d'être contraint de rester chez soi a augmenté le nombre d'appelants ?
Notre ligne d'écoute est à saturation depuis septembre, on reçoit plus d'appels que ce qu'on est capable d'en prendre. C'est ce qui nous a motivés à ouvrir des antennes en région et à augmenter le nombre de bénévoles. C'est clair que ces conditions d'enseignement ne permettent pas de communiquer et ça rend la situation inextricable. On offre une plateforme d'écoute particulière, qui est une ligne d'écoute, mais ça ne pourra jamais remplacer un cercle familial, amical et même amoureux.
Concrètement, qu'est-ce que vous conseillez à un jeune pour éviter qu'il ne déprime chez lui ?
On est un service non directif, donc on ne donne pas de conseil. On ne se substitue pas à des thérapeutes qui ont des compétences pour le faire. On est juste dans l'écoute active. Moi je suis étudiant ingénieur, je n'ai pas de compétences en psychologie, mais comme tous les bénévoles je ne dirai jamais à quelqu'un quoi faire. Après, au-delà de ça, il y a quelques conseils qu'on peut donner, mais celui sur lequel il faut insister c'est de maintenir le contact avec ses proches. C'est vraiment là qu'on a la grande majorité de la détresse.
C'est une situation que vous constatez personnellement, dans votre cercle?
C'est très manifeste, dans mon cercle d'amis ou les gens que je côtoie, la situation actuelle isole énormément et rend seul. Pour les étudiants qui vivent seuls, qui vivent loin ou qui viennent de débarquer dans l'établissement où ils ne connaissent pas grand monde, la solitude est exacerbée, tout le monde est concerné.