Matthieu M. - Publié le 22 décembre 2021
HABITAT - Entre les matériaux, l'activité humaine et l'artificialisation des sols, les maisons peuvent avoir un impact nocif sur l'environnement.
Quand on pense aux principales sources d'émissions de gaz à effet de serre, il n'est pas rare d'avoir en tête les chiffres exorbitants que représentent le transport aérien ou encore la consommation de viande.
Mais saviez-vous que nos maisons polluent elles aussi ? Pour preuve, la construction est le deuxième secteur le plus émetteur de CO2 en France et à l'échelle mondiale, les bâtiments sont responsables de 40% des émissions de carbone.
La cause de cette pollution ? Comme le résume bien les auteurs de l'ouvrage Le tour de France des maisons écologiques (Ed. Alternatives, 2020), elles sont multiples : “Le problème ne se situe pas seulement sous nos yeux, mais à toutes les étapes de la vie de nos habitats : extraction de matière, transport, énergie nécessaire à la construction, production de déchets, consommation énergétique annuelle des habitants, démolition et réemploi.”
La construction de la maison et ses matériaux polluants
Commençons par le commencement, c'est-à-dire, la construction de nos maisons. Sachez que l'une des plus grandes sources de pollution dans l'industrie du bâtiment, c'est le béton, matériau traditionnel de construction des maisons individuelles. Comme le rappelle Philippe Madec, architecte et auteur de l'ouvrage Mieux avec moins - architecture et frugalité pour la paix (Ed. Terre Urbaine, 2021), le béton pollue beaucoup : “Une tonne de béton engendre une tonne de CO2.” Le béton de ciment est un mélange de pierres calcaires et d'argiles transformées par concassage et cuisse, et c'est justement cette transformation qui libère le CO2 stockée dans la roche calcaire.
Autre problème, le béton est partout. Selon une étude de Batiétudes de 2019, le béton représente 96,6% des parts de marché des maisons individuelles groupées. Cette prépondérance de ce matériau date du XXe siècle et s'explique notamment par le besoin de reconstruction intense issu des deux guerres mondiales, soulignent Mathis Rager, Emmanuel Stern et Raphaël Walther dans Le tour de France des maisons écologiques.
Le béton n'est pas le seul matériau nuisible pour la planète et l'environnement comme le rappellent les trois auteurs. “La plupart des maisons individuelles en France sont fabriquées à partir de matériaux industriels et polluants (béton de ciment, isolants industriels, plastiques, bois exotiques) (...) et des équipements high-tech à partir des énergies fossiles”. Sans oublier que la construction d'une maison occasionne de nombreux déchets. Philippe Madec estime que le secteur du bâtiment en France produit l'équivalent de 3400 kilogrammes de déchets par habitant chaque année.
Pour pallier ces problèmes de pollution, la solution semble toute trouvée : les matériaux de construction naturels et biosourcés. Issues de la biomasse, d'origine végétale (ou animale), les matériaux de construction biosourcés diminuent la consommation de matières premières ainsi que les émissions de gaz à effet de serre. Parmi les plus connus, on trouve évidemment le bois, mais aussi le liège, la paille, le chanvre, la ouate de cellulose, le textile recyclé, la laine de mouton, la terre crue ou les roseaux. Pour en savoir plus sur les matériaux biosourcés et comment les intégrer dans votre maison, on vous explique tout ici.
Activité humaine et chauffage : le combo perdant
La consommation énergétique des habitants représente une pollution de premier plan au sein de nos maisons. En effet, au-delà de l'édifice, le fait de vivre et de solliciter de l'énergie, a des effets néfastes sur l'environnement. Parmi les activités les plus énergivores de la maison, on trouve sans surprise le chauffage.
Selon le comparateur en ligne Selectra, le chauffage représente 64% de la consommation moyenne d'électricité par jour. Par comparaison, l'éclairage ne représente que 6%. Le chauffage est par conséquent le premier poste de rejet de CO2 d'une famille. Du dioxyde de carbone, mais pas que ! Selon le type de chauffage que l'on a chez soi, d'autres polluants peuvent être rejetés comme le méthane, le protoxyde d'azote ou encore l'hexafluorure de soufre. C'est le chauffage au fioul qui détient la palme de la plus grande émission de CO2 nous apprend le site Que Choisir, “avec un rejet de 324 gCO2e par kWh consommé.”
Comment remédier à ce problème ? La première chose à faire est de renforcer l'isolation de sa maison. La rénovation énergétique des bâtiments est d'ailleurs l'un des principaux chevaux de bataille de la France afin d'atteindre son objectif de neutralité carbone d'ici 2050. Le plan France Relance lui consacre 6,2 milliards d'euros sur deux ans, rappelle sur son site le Ministère de la transition écologique. Aujourd'hui, il existe de nombreux isolants recyclés et biosourcés comme la laine et la fibre de bois, la ouate de cellulose ou bien les fibres de textiles recyclés qui permettent d'isoler sous forme de panneaux, de rouleaux ou de vrac, efficacement votre logement. Plusieurs aides existent afin de financer vos travaux de rénovation énergétique, découvrez-les ici.
Si c'est le type de chauffage que vous souhaitez changer, les plus écologiques sont les suivants : chauffage à bois, pompe à chaleur et le chauffage solaire.
L'artificialisation des sols, un danger pour la biodiversité
Dernier point, celui de l'artificialisation des sols. Plus on construit de maisons individuelles et plus l'étalement urbain se développe, ce qui a pour conséquence la disparition du sol naturel, agricole ou forestier. Ce phénomène que l'on appelle l'artificialisation des sols est l'une des causes premières du changement climatique et de l'érosion de la biodiversité. Et les chiffres sont impressionnants : selon une étude des chercheurs de l'Inrae et de l'Ifstarr publiée en 2017, “environ 60 000 hectares de terres agricoles et de nature sont couvertes tous les ans par des maisons, des routes, des usines, des entrepôts", souligne le site Sciences et Avenir.
C'est la raison pour laquelle, le gouvernement a inscrit dans la loi Climat et résilience d'août 2021, la lutte contre l'artificialisation des sols dans les grands objectifs de l'urbanisme. Quelles conséquences sur la construction de maisons individuelles ? Damien Hereng, président de la Fédération Française des Constructeurs de maisons individuelles (FFC) a répondu à BFM : “En pratique, on ne va pas arrêter de construire des maisons, mais on va construire sur des terrains plus petits en moyenne. La maison sur un terrain à 1000-1500 m2 va devenir une denrée plus rare.”
Quelle est donc l'habitation la plus écologique, celle qui nuira le moins à l'environnement ? L'architecte Mathis Rager aurait la réponse : “En France, on a affaire à un patrimoine en état d'abandon qui est très important. Il faut rénover nos maisons. Le projet le plus écologique que l'on peut réaliser c'est le projet neuf qu'on ne fait pas. La construction neuve, quels que soient les matériaux de construction, est plus énergivore qu'une maison rénovée.”