Lisa Hör - Publié le 15 mars 2016
CONSOMMATION - Terminé la facture de chauffage répartie entre les copropriétaires. Chacun paiera ce qu'il consomme. Objectif : encourager les économies d'énergie.
Mise à jour du 13 novembre 2019 : La mise en service de compteurs individuels et de robinets permettant de régler le chauffage dans chaque logement, devra avoir lieu au plus tard le 25 octobre 2020, dans toutes les copropriétés, sauf lorsque l'installation est techniquement impossible ou qu'elle entraîne un coût excessif au regard des économies attendues.
Aujourd'hui, on ne peut plus se permettre de jeter l'électricité par les fenêtres”, s'exclame David Thiéffry, propriétaire de l'appartement dans lequel vit sa mère, à Roubaix, dans le Nord. Il ne supportait plus de la voir contrainte d'ouvrir les fenêtres en plein hiver, pour éviter la surchauffe. En cause : le chauffage collectif, poussé à plein régime. “La bonne gestion écologique ne se fait pas sans incitation économique”, considère-t-il.
Pour persuader les copropriétaires d'économiser l'énergie, il a donc utilisé l'argument financier. Fin 2015, il les a convaincu, après forces négociations, de faire installer des compteurs individuels pour chaque appartement et des robinets thermostatiques sur chaque radiateur. Résultat : les occupants peuvent à présent régler le chauffage depuis chez eux, à leur convenance.
Et surtout, ils vont maintenant payer ce qu'ils consomment réellement. La facture ne sera plus répartie entre les foyers selon les surfaces des logements, comme c'est encore le cas dans 4,5 millions de logements en France (hors frais fixes liés à l'entretien du réseau).
David Thiéffry espère que sa mère pourra diviser sa facture mensuelle par deux. “D'autres vont se retrouveront à la fin de l'année (après le relevé des compteurs individuels, ndlr.) avec une note de 600 euros par mois”, estime-t-il. Un passage obligé, d'après lui, pour amener ses voisins à raisonner leur consommation d'énergie.
L'individualisation des frais de chauffage bientôt obligatoire
Une logique que, bientôt, tous les copropriétaires devront adopter. Car un décret, actuellement examiné par le Conseil d'État et en passe d'être publié, généralise à tous les immeubles collectifs l'obligation d'individualiser les frais de chauffage.
- Tous les immeubles d'habitat collectif devront être équipés de compteurs individuels d'ici au 31 mars 2017, sous peine de 1500 euros d'amende par an et par logement. Les compteurs seront installés par les propriétaires ou bailleurs.
- Le décret prévoit cependant un délai pour les immeubles peu énergivores : décembre 2017, pour les immeubles dont la consommation de chauffage est comprise entre 120 et 150 kWh par m² de surface habitable et par an, et décembre 2019 pour ceux dont la consommation est inférieure à 120 kWh par m² .
Une mesure équitable ?
“C'est une question d'équité, considère David. Tu consommes, tu paies.” Mais cet argument, validé par 93% des Français d'après un récent sondage, n'empêche pas la polémique.
Julien Allix, responsable du Pôle Énergie de l'Association des Responsables de Copropriété (l'ARC) dénonce des “effets pervers”. Il aurait souhaité que cette mesure ne soit pas imposée, mais laissée à la libre appréciation des copropriétés.
“Qui va chauffer moins ? Les gens qui sont actifs, qui ne sont pas là dans la journée, qui ont un niveau de vie correct. Qui va payer plus ? Ceux qui sont dans leur logement en permanence, donc ceux qui sont au chômage, ceux qui ont des enfants en bas âge, ceux qui sont à la retraite”, dénonce-t-il.
L'ARC mentionne également le “vol de chaleur” dans les immeubles collectifs : un appartement situé au centre du bâtiment bénéficiera du chauffage de ses voisins, sans avoir besoin d'allumer ses radiateurs.
Autant d'oppositions balayées, sur un ton désabusé, par Vincent Béranger, délégué général du Syndicat de la Mesure, qui regroupe les fabricants et installateurs d'instruments de mesure, dont les compteurs individuels.
“Chaque personne a sa conception de la justice, c'est un débat quasiment philosophique, argumente-t-il. Est-ce qu'il est juste que des gens qui ne sont jamais là, parce qu'ils ont une résidence principale ailleurs, payent autant que ceux qui se chauffent beaucoup ?”
Sur les besoins de chauffage différents en fonction de la situation de l'appartement dans l'immeuble et de son ensoleillement, il ajoute : “Il existe une possibilité pour les copropriétés de faire une pondération sur une partie de la facture en fonction de l'exposition des logements.”
Quelles économies d'énergie pour quels frais d'installation ?
Au-delà de cette question de justice sociale, les désaccords entre les deux parties (Syndicat de la Mesure et gouvernement d'un côté, associations de consommateurs et de copropriétaires de l'autre), portent également sur les économies d'énergie qui pourront être réalisées.
Selon l'étude publiée par le Syndicat de la Mesure, l'individualisation des frais de chauffage permettra 20% d'économies d'énergie en moyenne. Ce chiffre est repris par Ségolène Royal, ministre de l'Environnement, mais contesté par les associations de consommateurs qui parlent plutôt d'une fourchette comprise entre 5 et 10% sur un an. Une économie insuffisante pour garantir la rentabilité de la mise aux normes du réseau de chauffage selon Julien Allix, de l'ARC.
Alors combien va coûter cette mesure aux copropriétés ?
- 50 euros par robinet thermostatique, et par chauffage + 4 euros par mois d'abonnement pour les compteurs individuels, selon le Syndicat de la Mesure.
- Entre 125 et 985 euros de frais d'installation par logement selon l'ARC, car beaucoup de copropriétés devront d'abord réaliser des travaux de désembouage (nettoyage du réseau) et d'équilibrage.
Un investissement que devront rapidement réaliser les copropriétés les plus énergivores. Rendez-vous dans quelques années pour évaluer les effets concrets.