Lisa Hör - Publié le 22 février 2018
PROSPECTIVE - Les enceintes connectées, qui exécutent des commandes formulées à haute voix pour nous assister au quotidien dans la maison, vont bouleverser notre vie.
Il y a 10 ans, nous n'imaginions pas à quel point les smartphones allaient s'imposer dans notre vie, bouleverser nos habitudes, jusqu'à nous rendre accros. Et si les enceintes connectées avaient le même potentiel révolutionnaire ?
Tout semble l'indiquer. À commencer par le nombre de ventes qui explosent ! 43,6 millions d'enceintes connectées à commande vocale seront vendues aux États-Unis en 2018, selon la Consumer Technology Association (CTA). Une hausse de 60% par rapport à 2017.
La France devrait suivre. L'américaine Google Home est déjà commercialisée chez nous depuis l'été, et la French Tech est sur les rangs avec ses propres solutions, comme Zac de Vivoka, que nous avions repéré parmi les innovations françaises présentées au salon CES 2018 :
À ce rythme, les enceintes connectées seront bientôt dans toutes nos maisons. Et chambouleront nos modes de vie. Petit aperçu d'un avenir certain.
Parler à notre maison, ça va nous changer la vie !
"C'est un changement radical", estime Michael Fester, co-fondateur de Snips, une entreprise française qui développe des outils de reconnaissance vocale du même type que ceux utilisés par les enceintes connectées. "La voix nous permet d'exprimer des commandes très précises et complexes de façon naturelle."
Capables de comprendre un ordre ou une question vocale formulée à voix haute, les enceintes connectées promettent de simplifier notre quotidien, en pilotant les autres objets connectés du radiateur aux ampoules, en passant par la télévision.
Pas besoin de manuel d'utilisation, tout le monde peut utiliser facilement cette technologie, des enfants aux séniors. "Pour nous, l'objectif est de rendre la technologie tellement intuitive qu'elle disparaît", affirme Michael Fester.
Si Snips ne développe pas directement des enceintes connectées, leur technologie de reconnaissance vocale pourrait être un avant goût de l'avenir. Il n'y aurait plus une base centrale, mais un réseau d'objets connectés dans la maison, à qui parler pour obtenir ce que l'on souhaite.
Ainsi, si l'on demande un café à notre téléviseur, il pourra transmettre à notre cafetière, sans que l'on se rende dans la cuisine (même s'il faudra toujours y aller pour chercher sa tasse !).
Pouvoir parler à n'importe quel objet de la maison sera une réalité très prochainement, puisque même Google avance dans cette voie. Il est en effet désormais possible de s'adresser à son assistant Google Home via sa caméra de sécurité Nest.
Une marge d'erreur réduite… dans des conditions optimales
Parler à nos objets est un vieux rêve. "Les premières recherches sur la reconnaissance vocale datent des années 1970", note Emmanuel Vincent, chercheur à l'Inria (l'Institut national de recherche en informatique et en automatique), qui travaille sur le traitement de la parole au sein de l'équipe Multispeech.
Depuis les premiers serveurs téléphoniques ("pour tel service, dites un, pour tel autre service, dites deux"), les progrès ont été fulgurants. Aujourd'hui, les enceintes connectées se veulent des assistants personnels au quotidien, capables de nous donner la météo, nos rendez-vous de la journée, ou la liste des films dans lesquels figurent notre acteur ou actrice préféré-e.
"Aujourd'hui, on atteint un seuil de 10% de mots mal reconnus, le taux d'erreur est devenu acceptable", explique Emmanuel Vincent. Sous réserve que l'environnement ne soit pas trop bruyant, qu'une seule personne parle et qu'elle ne soit pas trop loin de l'enceinte. Somme toute pas mal de contraintes donc.
Les enceintes connectées vont-elles prendre des décisions pour nous ?
Pour le moment les enceintes connectées se contentent d'exécuter un ordre clairement énoncé. Il faut d'ailleurs prononcer un mot clé ("Ok Google", "Hey Zac"…) pour activer l'enceinte.
Même si "beaucoup d'acteurs réfléchissent à ne plus avoir besoin de mots clés, à reconnaître une commande dans un flot de parole pour une plus grande fluidité", comme le révèle Emmanuel Vincent. Ce qui ne va pas sans poser de questions puisque cela implique qu'elles nous écouteront alors tout le temps (notre article sur la sécurisation des données personnelles avec les enceintes est à lire ici).
On peut aussi imaginer qu'avec leur intelligence artificielle, elles seront capables à l'avenir d'anticiper nos besoins. Certains thermostats connectés le font déjà : en apprenant nos habitudes, ils savent à quelle heure monter ou couper le chauffage.
À force de toujours commander un café à sa machine tous les matins entre 7h30 et 8h, elle pourrait nous en faire dans ce créneau horaire sans qu'on n'ait rien demandé.
Mais pour Michael Fester, donner la capacité aux enceintes connectées de prendre des décisions à notre place pourrait être "très intrusif" et "engendrer une grande frustration", si elles se trompent.
Une chose est sûre, même si les assistants vocaux se limitent à l'avenir à faire ce qu'on leur demande, le simple fait qu'ils soient doués de parole leur donne du pouvoir sur nous. Aurons-nous une vraie relation avec nos objets intelligents ? Pour le meilleur ou pour le pire ?
Mieux vaut se poser la question dès maintenant, conseille Véronique Aubergé, chercheuse au laboratoire d'informatique de Grenoble, dans cet article sur les liens que nous allons développer avec nos assistants vocaux. Car, non, ce n'est déjà plus de la science-fiction !