Lisa Hör - Publié le 8 octobre 2020
POTAGER - Quels sont les insectes auxiliaires, utiles au jardin ? Comment les attirer dans votre potager ? Réponse d'un jardinier passionné.
Au jardin, comme dans la vie, tout est affaire d'équilibre. Et les insectes contribuent à cet équilibre. Voilà ce que nous rappelle Sébastien Levret, qui fabrique des hôtels à insectes. Il est à l'origine du jardinage entomologique, un concept qui allie passion des insectes et pratiques culturales au service de la biodiversité.
Voici ses conseils pour faire des insectes les alliés du jardin et du potager.
18h39 : Est-ce qu'aujourd'hui, on considère encore beaucoup les insectes du jardin comme des nuisibles ?
Sébastien Levret : Je ne pense pas. J'ai 23 ans et depuis que je m'y intéresse, depuis gamin on a vu une évolution, une sensibilisation du grand public. Après, un insecte qui pique fait toujours peur. Bien sûr, si un nid de guêpes est très gênant car placé au mauvais endroit ou si une personne de la famille est allergique, on va le détruire. Mais aujourd'hui on détruit les nids de guêpes le plus souvent uniquement parce que c'est dans les mœurs. C'est dommage, car la guêpe est un très bon auxiliaire, elle va manger des ravageurs de culture, des chenilles par exemple. Si le nid ne dérange pas, pourquoi les embêter ? Quand vous voyez une coccinelle vous n'allez surtout pas marcher dessus, vous allez la déplacer délicatement !
"Aucune espèce n'est nuisible"
Sébastien Levret
Donc aucun insecte n'est nuisible, même les moustiques ?
Aucune espèce n'est nuisible. Les moustiques, ça pique, mais ils sont aussi une source de nourriture pour bon nombre d'espèces, les libellules, les chauves-souris.
Une espèce est classée dans les ravageurs uniquement parce qu'elle va nous déranger, parce que l'on concentre la production de légumes et de fruits au même endroit, et que la nature n'aime pas ça. La nature est faite pour casser cette concentration. Les "ravageurs" vont pulluler des l'instant que vous cumulez.
Il y a plein de modes de culture qui vont limiter cette pullulation : on va par exemple mélanger les plantes, éviter les cultures linéaires. Si vous faites un rang de carottes c'est trop facile pour les ravageurs, alors parfois des plantes vivent en symbiose et se protègent les unes les autres. Par exemple, le céleri repousse un petit peu les ravageurs du chou, et inversement le chou va repousser le ver qui perce le pied de céleri .
Quels sont les insectes que l'on va chercher à attirer dans son potager, qui peuvent être des auxiliaires du jardinier ?
D'abord, les pollinisateurs. On n'a pas le choix car il y a des plantes qui ne peuvent être pollinisées que grâce à eux. On dit que 80 % des plantes sont pollinisées par les abeilles qui font du miel, mais c'est faux : 80 % des plantes sont pollinisées par des insectes, des bourdons, des abeilles sauvages...
Ensuite, il y a des prédateurs, comme le perce-oreille, les coccinelles, les chrysopes, qui vont se nourrir des pucerons ou de leurs larves.
Enfin, il y a les parasitoïdes, comme des micro-guêpes. Elles ont des aiguilles qui transpercent les chenilles pour pondre leurs œufs. Les larves vont dévorer les chenilles de l'intérieur, comme dans Alien !
Comment faire pour que ces insectes viennent dans son jardin ?
On me demande toujours ce qu'il faut pour attirer les coccinelles. Ce à quoi je réponds : des pucerons pour qu'elles puissent manger. Et les gens me disent que justement, ils ne veulent pas de pucerons...! Mais tout est une question d'équilibre.
Vous pouvez planter des pieds de capucine un peu à l'écart de vos légumes. Les pucerons vont se concentrer dessus, car ils vont au plus facile pour se nourrir. Ca fera une petite colonie de pucerons supportable dans le jardin, et donc des coccinelles qui viendront les manger.
Pour les pollinisateurs, il faut des fleurs qui attirent par leur nectar et leur pollen. Celles qui ont le plus gros potentiel, ce sont pas forcément les plus belles loin de là.
On va donner à manger aux insectes, mais il faut aussi leur offrir le gîte, pour pondre leurs œufs, pour passer l'hiver. On peut aménager des hôtels à insectes (et en fabriquer avec ce tutoriel par exemple, ndlr.), mais ça reste un complément. Il faut une pile de bois, un mur en pierre sans joints...
Il peut y avoir deux ou trois petits endroits en friche dans le jardin. Il y a toujours un coin difficile à tondre, inaccessible derrière la cabane de jardin par exemple. C'est celui-là qu'il faut laisser. Mais attention, une friche ça s'entretient quand même, à l'automne il faut faucher et retirer les herbes sèches, sinon ça s'entasse, pourrit et les insectes ne viennent plus.
"Jardiner au naturel prend du temps"
Sébastien Levret
Donc, jardiner au naturel, c'est la solution pour un beau potager ?
On a longtemps utilisé des produits phytosanitaires, mais ça aggrave le problème. On va tuer une partie de la population de pucerons certes, mais il y aura toujours des individus qui résisteront. Et quand vous stressez une population, elle se reproduit 2 à 3 fois plus l'année d'après.
Mais il n'y a aucun miracle. Jardiner au naturel prend du temps. Ce n'est pas juste acheter une plante, la mettre dans un trou et c'est fini. Il faut aller la voir tous les jours, pour observer son comportement.
Si vous avez un rosier infesté de pucerons par exemple, le problème ce n'est pas les pucerons, c'est le rosier. Les insectes ravageurs s'attaquent aux faibles. Si tous les ans, la même plante est envahie, c'est qu'elle n'est pas en bon état, que le sol ne lui convient pas ou qu'elle est mal exposée par exemple. Il y aura toujours des pucerons sur elle.
Et puis, quand vous avez un pied de tomate, certes vous l'avez planté, mais il faut penser que la nature vous a donné quelque chose. Il faut donc en restituer un peu, aux insectes, aux oiseaux, aux animaux du jardin.
Sébastien Levret sera en conférence le dimanche 11 octobre aux Journées des Plantes de Chantilly.