Matthieu M. - Publié le 7 février 2020
BIEN-ÊTRE - Raclement de gorge, bruit de la pendule, respiration forte : la misophonie est une pathologie mal connue qui toucherait 15% de la population.
Entendre votre conjoint boire à grosse gorgée vous donne des envies de meurtre ? Le bruit d'une porte qui claque vous hérisse le poil ? Vous êtes peut-être misophone sans le savoir !
Miso-quoi ? Non, rien à voir avec la soupe traditionnelle japonaise, la misophonie (littéralement “haine du son”) est une pathologie bien réelle. La revue médicale suisse la définit de la façon suivante : “La misophonie est un trouble psychique caractérisé par une aversion à certains sons produits par un autre individu.”
Le problème majeur pour les personnes atteintes de ce trouble, c'est que les bruits sont partout : dans la rue, au travail, dans les transports mais aussi à la maison ! Censé être un refuge, le foyer devient un ennemi pour les misophones.
Bruits de bouche, porte qui claque ou clic-clac de la pendule : bienvenue en enfer
Le bruit qui revient en permanence, tout en haut de la liste des nuisances sonores, c'est le bruit produit par la mastication d'aliments. Un calvaire qui se répète à chaque repas. “J'ai l'oreille qui n'entend que ça, ça me fait hérisser les poils. Je ne suis pas concentré sur la conversation avec l'autre”, nous confie Stéphane, 42 ans qui vit en région parisienne.
Ce père de deux garçons explique qu'il est d'un naturel très calme, mais entendre quelqu'un mâcher sa nourriture bruyamment lui gâche son repas. “Comment peut-on manger comme ça ? Je ne comprends pas”, ajoute-t-il.
C'est aussi le cas de Violette, 20 ans, étudiante en droit à Rouen, qui ne supporte pas le bruit que sa mère fait quand elle avale des aliments ou des boissons. “Mes réactions sont de pire en pire. Je vais être super virulente, c'est très compliqué. Je me sens hyper agressée”, raconte-t-elle.
Sur le site Misophonie.fr, un article recense les bruits qui dérangent le plus les misophones. Mastication donc, mais aussi déglutissement, sirotage, bâillements, respiration ou raclements de gorge : sans grande surprise, la famille des bruits de bouche remporte la majorité des suffrages.
Mais ce n'est pas tout, parmi les autres bruits de la maison, il y a les aboiements du chien, les portes qui claquent, le bruit de la cuillère contre un bol, une tasse qui frappe contre le plan de travail en bois, le clic-clac de la pendule. “J'en avais une, elle était très jolie, mais elle n'a pas duré longtemps. J'ai retiré les piles”, se souvient Stéphane, qui ne parvenait pas à trouver le sommeil.
Des bruits qui ont des conséquences sur le sommeil et les relations sociales
Au-delà des réactions parfois violentes qu'ils suscitent, ces bruits ont des conséquences directes sur le bien-être des personnes atteintes, ainsi que sur leurs proches. “La nuit, c'est super dur. Le moment où mon copain se couche, j'entends sa respiration et ça me gêne pour m'endormir”, confie Violette.
Pour Aurélie, qui vit dans le Haut-Rhin, la misophonie pose de sérieux problèmes au niveau de son couple puisqu'elle ne supporte pas de l'entendre manger. “Une soirée devant un film ça devient compliqué. Au bout de 20 minutes je l'entends racler sa gorge, déglutir. C'est plus fort que moi, je n'arrive pas à me contrôler. Je me lève et dois m'isoler”, explique-t-elle.
Une chose est certaine, les professionnels de la santé, psychologue, ORL ou généralistes connaissent mal cette pathologie. De nombreuses personnes ne parviennent pas à poser un nom sur le mal dont elles souffrent. Selon les statistiques, 15% de la population serait misophone. Mais aucun traitement officiel n'existe aujourd'hui.
Des boules Quies à la thérapie sociale : stratagèmes de survie
Pour survivre aux conséquences de leur pathologie, les misophones mettent en place des stratagèmes. Les boules Quies sont souvent un allié précieux. Lilou 35 ans, porte des bouchons d'oreilles quand elle est à table avec ses deux filles. “J'essaie de prendre sur moi pour ne pas que ça mette de la distance entre nous”, témoigne cette esthéticienne du Gard.
Et ne leur parlez pas d'hypnose ou d'exercices de relaxation, inefficaces nous répondent les misophones. “Je suis allé voir un hypnotiseur et ça n'a rien changé du tout. On m'a juste dit que c'était un TOC et qu'il fallait le travailler”, indique Nicolas, 33 ans. Le meilleur moyen de vivre avec, c'est d'en parler nous confirme ce varois : “Au début ça peut choquer l'entourage mais au fur et à mesure, ils vont faire attention.”
Pour Aurélie, parler peut avoir un effet libérateur, et cela dans les deux sens : “C'est une thérapie sociale. Les gens autour de nous savent ce que l'on a. Mais c'est à nous aussi de faire un travail, sinon c'est l'horreur au quotidien.” Pourtant, la jeune femme n'ose pas en parler à son compagnon, de peur de passer pour “l'emmerdeuse de service”.
Stéphane, lui, a appris à ses enfants à ne pas parler la bouche pleine et à bien fermer la bouche quand ils mangent. En revanche, il est conscient que son trouble peut devenir une source de stress pour son entourage à cause de ses remarques incessantes. “Avec mes réflexions je peux vite gâcher un repas. Mais je suis en plein apprentissage”, souligne-t-il.
Malgré tous ses efforts, Aurélie a parfois du mal à comprendre comment les autres peuvent être aussi bruyants. “Je fais super attention quand je mange ou je bois. Pourquoi est-ce que les autres ne font pas pareil ?”.