Emmanuel Chirache - Publié le 21 avril 2023
DANS MON JARDIN DIVERS - Même dans un jardin tout en longueur, vous pouvez aménager des espaces variés en fonction de vos envies. Comment et avec quelles contraintes ? On vous dit tout.
Une façade de maison de ville recèle parfois quelques secrets : derrière, on peut y découvrir un jardin typique de cet habitat, souvent étroit et tout en longueur, entouré de murs mitoyens. En général, il fait de 20 à 50 m de profondeur, et 5 à 6 m de large. Autant de contraintes qu'il faut savoir apprivoiser si l'on veut réaliser un espace extérieur à la fois harmonieux, confortable et pratique, tout en respectant la biodiversité.
Afin de mieux comprendre comment aménager un tel jardin, nous avons interrogé Guillaume Héluain, paysagiste et fondateur de Graminées, une entreprise située dans la métropole lilloise. Après avoir été fleuriste, puis paysagiste, d'abord comme professeur en aménagement paysager à Dunkerque en Centre de formation pour apprentis (CFA), puis comme auto-entrepreneur, Guillaume Héluain connaît bien toutes les facettes du métier.
Quelles sont les contraintes d'un jardin tout en longueur ?
Pour Guillaume Heluain, il existe plusieurs contraintes qui peuvent compliquer l'aménagement d'un jardin long et étroit. La principale difficulté, c'est l'accessibilité du jardin : "On est souvent obligés de passer par la porte d'entrée de la maison si elle n'a pas d'accès sur les côtés, et puis ce sont des configurations très clôturées, où les voisins se touchent, sans compter les démarches à faire pour le stationnement, la location de bennes ou de machines, qui peut poser problème avec les mairies... A l'arrivée, le tarif de la prestation peut augmenter si toutes les contraintes s'accumulent."
A ces difficultés s'ajoutent quelques dispositions légales à ne pas oublier ! A commencer par les règles de voisinage. "On ne peut pas dépasser 2 mètres de hauteur pour un arbre en mitoyenneté, rappelle Guillaume, ou alors il faut être à plus de 2 mètres de la clôture, ce qui signifie souvent planter au milieu du jardin !" Et les branches des arbres qui dépassent chez le voisin, qui peut décider de les couper ? Votre voisin a le droit de vous demander de les couper, auquel cas vous devez le faire à vos frais, même si ces branches ne représentent aucune menace. En revanche, il peut couper lui-même sans vous le demander les racines, ronces et brindilles qui viendraient empiéter sur son terrain. De même, il peut ramasser les fruits tombés dans son jardin, car ils lui appartiennent.
Quelles sont les tendances pour un jardin tout en longueur ?
Avec l'expérience, Guillaume constate une évolution des modes, souvent issues de Silence ça pousse !, l'émission bien connue de France 5 : "On nous demande beaucoup du végétal très maîtrisé côté terrasse, avec des arbres tiges, pas piquants, pas trop buissonnants. Le reste de l'aménagement est assez uniformisé, trop minéral à mon goût. En général, on trouve un olivier qui n'est pas de la région, des paillis d'ardoise pour le sol, qui ne sont pas de la région non plus. Je propose aux gens de travailler davantage local, avec des choses qui résistent au climat, plus authentiques par rapport au terroir."
Pour changer du sempiternel palmier exotique qu'on voit partout, Guillaume préfère des plantes mellifères qui séduiront par leurs floraisons, leurs fructifications et leur refuge naturel, tel que les saules, les cerisiers à fleurs, les sorbiers… Idem avec les matériaux naturels, si la pierre bleue a fait ses bonnes années, aujourd'hui Guillaume constate l'arrivée du grès cérame sur plots pour réaliser une terrasse facile à entretenir et résistante aux chocs : "C'est comme un carrelage avec une infiltration d'eau qui passe à travers, a priori plutôt écolo, il s'agit de terre reconstituée et chauffée dans des fours à très haute température." Surtout, ça fait moins de béton, moins de manutention, moins de machines à amener sur le terrain, donc un gain de temps et de carburant pour le paysagiste !
Côté cloisons et clôtures, Guillaume voit de plus en plus de demandes pour de l'occultation. Il peut s'agir de clôtures rigide avec lamelles, des clôtures à composer en PVC, en composite, ou des claustras en panneaux de bois, "en tout cas, on est tout de suite occultant !", s'étonne-t-il. Lui préfère végétaliser davantage. "Personnellement, j'ai appelé mon entreprise Graminées car j'aime beaucoup les herbes folles, les rochers, la nature plus sauvage, mais il faut avouer que c'est aussi très populaire dans les communes, les mairies, c'est facile et beau toute l'année, on joue aussi là-dessus."
Conseils pour aménager un jardin en longueur
Même s'il a ses convictions en matière d'espaces verts, Guillaume part toujours du désir de ses clients, et surtout de leurs usages dans le jardin, barbecue, potager, loisirs... Ce sont les usages du jardin qui vont déterminer les différents espaces aménagés sur toute la longueur. "C'est un mille-feuilles visuel, avec un premier plan, un deuxième plan, un troisième, note le paysagiste. La création d'un jardin ne peut se faire qu'avec nos points d'intérêt, point barbecue, point terrasse, point ludique pour les enfants, point potager, point abri…"
D'après lui, il faut surtout végétaliser sur les extérieurs, mais aussi conserver quelques points centraux pour casser les espaces, ou pour faire le lien vers un troisième plan si possible. L'idée, c'est d'aménager des cheminements, afin que le client se promène dans son jardin. Le chemin peut se construire avec des gravillons, des pas japonais, et mener jusqu'à un abri de jardin, un potager, une terrasse secondaire avec un arbre qui fait de l'ombre. "J'aime jouer sur la curiosité de se demander ce qui se cache derrière ce qu'on ne voit pas, explique Guillaume. Comme une arche qui bloque le visuel, ça donne un côté poétique et mystérieux."
Sur ce premier dessin, Guillaume a imaginé un jardin anglais en harmonie, avec une terrasse au fond du jardin et un conifère qui offrent un point de vue depuis la maison. Ici, on joue sur la protubérance végétale sur l'extérieur et la différenciation pour sentiment d'opulence de plantes. Dans le second dessin, on part sur un jardin désaxé, avec une cassure du plan pour dynamiser les espaces. La terrasse amène subtilement vers un centre plus ludique, qui redirige vers un potager et un abri de jardin.
Et les points d'eau ? Guillaume avoue que l'eau est un vrai sujet qui prend de l'importance au jardin : "Un beau jardin est hydraté, comme ça il ne souffre pas. Sinon, il va devenir plus chétif, moins productif." On peut faire dériver l'eau des gouttières vers des réserves d'eau ou des récupérateurs dans le jardin, ce qui permet de nourrir les plantes sans gaspiller la ressource. Elle est aussi un agrément ornemental et une source de biodiversité, via les mares, les étangs, les bassins.
La bonne idée : valoriser les déchets verts sur place
La philosophie de Guillaume Héluain peut se résumer par cette devise : Tout ce qui est au jardin reste au jardin. "On crée dans le jardin des espaces de déchets végétaux, avec du branchage, des copeaux du gazon tondu, des feuilles... détaille le paysagiste. On sait faire du compost, bien sûr, mais aussi la mise en place d'écorces en tout genre, du branchage passé au broyeur qu'on remet sur les massifs, ça fait moins d'entretien, ça conserve l'humidité et préserve l'évaporation, on ajoute enfin du paillage au potager. On transforme la matière pour l'utiliser à bon escient."
Ce n'est pas tout, derrière la cabane au fond des jardins, Guillaume propose la création de double haies sèches ou mortes, un amas de déchets qui va se détériorer et créer de l'abri pour les insectes et hérissons, à l'abri de votre regard. L'intérêt de ces pratiques de valorisation des déchets est évident pour le paysagiste, car non seulement il ne paye pas les services d'une déchèterie, mais il évite les déplacements de matière à travers la maison de son client, ce qui prend toujours du temps, notamment pour nettoyer après le passage des ouvriers !
L'autre avantage, c'est la facilité d'entretien, une préoccupation centrale dans les désirs de la clientèle. "Dans l'avenir, on aura moins de jardin à entretenir, prédit Guillaume. Le jardin de devant tend à disparaître, par exemple, il est remplacé par du pavage, des graviers et des parkings. Personne ne veut tondre cet espace." Cette lassitude des travaux du jardin, Guillaume la constate même avec une population plus jeune, des trentenaires débordés qui n'ont pas le temps de tondre. Les anciens, eux, ont leurs habitudes compliquées à faire évoluer, ils ne rêvent que de terre ratissée parfaitement, sans aucun déchet.
Et le budget dans tout ça ?
Comme souvent, les budgets évoluent en fonction de vos désirs et de votre portefeuille ! Une terrasse en bois exotique ne coûtera pas comme celle en sapin du nord, un sol en pierre naturelle, sera trois fois plus cher que celui en pierre reconstituée. Depuis quelques années, l'inflation et la pénurie de ressources fait aussi fluctuer les prix de façon imprévisible, ce qui a tendance à répartir les travaux du jardin en plusieurs étapes au fil des mois, voire des années.
Si 2020 et 2021 ont été des belles années suite au Covid, avec une clientèle désireuse d'aménager une véritable pièce de vie supplémentaire, 2022 a vu les priorités des ménages se modifier. "On vit un moment très difficile, reconnaît Guillaume, le budget pose souvent un problème, même s'il existe depuis peu des crédits d'impôts". En effet, depuis juin 2022, toutes les prestations d'entretien de jardin, les « petits travaux de jardinage » peuvent faire l'objet d'un crédit d'impôts de 50%, à hauteur de 5000 € par an, soit 2500€ d'économies.
Pour contacter Guillaume Héluain de Graminées
0609280364