Clémence Leleu - Publié le 25 juin 2017
VIVRE-ENSEMBLE - Le couple a créé un potager au pied de leur HLM, épaulé par une dizaine d'habitants d'un quartier de Sarcelles. Les riverains peuvent y venir planter et récolter mais surtout partager.
Alors qu'Anne-Claire, Manu et Jérémy essaient de trouver une solution pour fixer un tuyau d'arrosage récalcitrant, un scooter longe les abords du potager. Des "salut Momo !" fusent de toute part.
En quelques minutes, le scooter est garé, le casque posé et "Momo", un sourire accroché au visage est déjà en train de se diriger vers l'arrivée d'eau du fameux tuyau d'arrosage. Alors, qu'initialement, il passait juste dans le square pour regagner son appartement.
"Momo n'est pas vraiment intéressé par le jardinage, mais c'est un as du bricolage. C'est lui qui nous a aidé à monter la clôture du potager et il vient nous aider dès qu'il a un moment", explique Anne-Claire.
Recréer du lien social
Elle et son compagnon Manu ont révolutionné ce petit coin de banlieue parisienne populaire. Nous sommes à Sarcelles, ville nouvelle qui a vu s'édifier les premiers grands ensembles français, dont les jardins ouvriers bien connus constituent l'identité historique de la commune. Ici, l'art du jardinage semble avoir trouvé un nouveau moyen de s'exercer. Passant de l'individuel au collectif.
Enserré par 4 immeubles, à quelques mètres de l'aire de jeux, se dresse un potager partagé, chouchouté par les mains vertes des "Engraineurs". Les habitants de ces HLM qui sèment, plantent, et récoltent, fruits et légumes en tous genres. Redonnant vie à la pelouse dégarnie du square.
"On est 200 ici et on ne se connaît pas, maintenant, on se parle. Ça crée du lien", explique Alfredo, venu rejoindre le groupe en cours de matinée. "Il y a une grande mixité, tant au niveau des origines que de l'âge", poursuit Manu.
Il n'est même pas nécessaire d'avoir la main verte. "Je n'y connais pas grand chose en jardin, mais je viens quasiment tous les week-ends", explique Dieynanba. "Ça permet de rencontrer des gens et puis j'aime bien semer et voir que ça pousse", poursuit-elle.
Tout a commencé avec un potager pour enfant
Au printemps 2016, Anne-Claire et Manu créent un petit coin potager pour leur fille juste devant leur immeuble. Avec un bac et quelques graines, le couple s'est rendu compte qu'il pouvait faire bien plus que faire pousser des légumes.
"On a eu plein de retours positifs et les voisins venaient voir ce que l'on faisait pousser", se remémore Anne-Claire, interprète en langue des signes.
Ils décident alors de reproduire l'expérience à plus grande échelle et demandent donc au bailleur social le droit de créer un potager au coeur du square. Ils sont épaulés par l'association Inven'terre.
"Nous avons trouvé fantastique que des particuliers portent un tel projet. C'est très rare", explique l'animatrice Tatianan Baishanski.
En janvier 2017, des bacs en palette sont installés sur le square et les premiers jardiniers en herbes s'implantent. Aujourd'hui, le potager est entretenu par un noyau dur de 10 personnes, tout le monde peut venir mettre la main à la pâte s'il le désire.
Connaître la provenance des produits que l'on mange
"J'essaie d'apprendre à m'auto-alimenter, raconte Jérémy, 18 ans. Alors quand Anne-Claire et Manu m'ont dit qu'ils créaient ce potager, j'ai tout de suite voulu participer à l'aventure." Aujourd'hui, il se lance donc dans le semis de graines de melons. "On va voir si ça pousse !", lâche-t-il dans un sourire.
La culture en bacs "hors-sol" permet d'éviter de planter les légumes directement dans le sol pollué. "Nous voulions faire pousser des fruits et légumes sans engrais ni pesticides, donc nous avons choisi de créer des bacs en palette, comme nous ne connaissions pas la composition du sol", détaille Anne-Claire.
Les bacs sont donc disséminés sur une parcelle de terrain, délimitée elle aussi par une petite clôture (symbolique) en palettes, sur laquelle commencent à grimper des framboisiers.
"Nous avons choisi de planter des variétés qui poussent plutôt rapidement pour voir le fruit de nos efforts", explique Anne-Claire, en couvant du regard les fruits et les légumes qui garnissent des grands bacs construits en palette.
Si, à ses débuts, le jardin a connu quelques dégradations, les choses semblent s'être apaisées. Une preuve, s'il en fallait une, que les bonnes idées finissent toujours par l'emporter.
Lorsque le soleil monte au zénith, les enfants zigzagent en courant entre leurs parents. Faisant résonner des éclats de rire dans ce square, tandis que les jardiniers s'affairent les mains dans les gros blocs foisonnant de leurs propres cultures. Mission réussie.
Pour les contacter ou venir jardiner Les Engraineurs, contactez Anne Claire et Manu à l'adresse mail suivante : engraineurs@gmail.com ou sur leur page Facebook.