Matthieu M. - Publié le 6 juillet 2020
PÉDAGOGIE - Une étude constate que l'exposition aux écrans réduit la créativité des enfants. Conseils de créatifs pour leurs ouvrir l'esprit.
“Avant on s'amusait avec un bout de bois et des cailloux. On était bien plus créatif.” Cette phrase vous l'avez sûrement entendue enfant lorsque vos parents se plaignaient des heures que vous passiez à jouer à Pokemon sur votre Game Boy.
Avec la multiplication des écrans, la crainte de voir les enfants se transformer en zombie dénués de toute forme d'imagination s'accentue. Alors fantasme d'adulte ou réalité de l'enfance ? Entre les ordinateurs, les tablettes, la télévision ou les smartphones : les supports ne manquent pas pour occuper les plus jeunes (et avoir la paix). Pourtant, cette surexposition qui peut avoir un impact sur le développement du cerveau des jeunes enfants, a aussi pour conséquence la baisse de la créativité.
C'est en tout cas ce que prouve une étude britannique de 2019 qui nous apprend que les professionnels de la garde d'enfant accusent les écrans de la baisse généralisée de l'inventivité et de la créativité chez les enfants.
La créativité est pourtant une faculté essentielle, une garantie d'indépendance et de liberté. Célèbre illustrateur pour enfants chez L'Ecole des loisirs, Claude Ponti en est convaincu : “elle apporte de l'autonomie, de la liberté de penser, mais elle évite aussi de tomber dans les clichés et les choses convenues.” Et d'ajouter : “ La créativité permet de se projeter dans l'avenir sans être limité à des modèles ultra simples.”
Comment définir la créativité ?
Une capacité primordiale pour le développement de l'enfant comme le rappelle Ophélie Verwaerde, éducatrice en crèches et membre de l'association Montessori Luxembourg sur le site de l'association : “Elle permet à l'enfant de renforcer son identité comme elle peut agir sur l'estime qu'il a de lui-même. De surcroît, elle facilite l'expression d'émotions et d'idées.”
La créativité qu'est-ce que cela veut dire vraiment ? Pour Maud Besançon, professeure de psychologie à l'Université Rennes 2 et spécialiste de la créativité, on peut la définir de la façon suivante : “la créativité, c'est être capable de produire quelque chose de nouveau, d'original, mais qui s'adapte aux contraintes que l'on donne.”
Être en mesure de s'adapter aux contraintes de son environnement direct, c'est ce qui différencie l'imagination de la créativité. La professeure d'université précise : “certains artistes peintres ne sont pas connus de leur vivant car ils sont trop originaux, ils ne s'adaptent pas à leur temps.” La bonne nouvelle, c'est que tout le monde fait preuve, à son échelle, de créativité.
“Tout un chacun peut être créatif au quotidien. Quand on rentre le soir chez soi, qu'il n'y a plus grand chose dans le frigo, si on est capable de trouver des éléments pour se faire une tarte, c'est un travail créatif”, explique Maud Besançon.
Et pour les enfants, c'est encore plus flagrant selon la professeure : “l'enfant est forcément créatif, on naît très créatif. Pas forcément dans les arts, mais dans tous les domaines puisqu'on peut être étonné de tout.”
Laisser les enfants exprimer leur perception du monde
C'est la raison pour laquelle il est important de ne pas brimer l'enfant, de le laisser poser des questions, se livrer. Un constat que partage Dorothée de Monfreid, dessinatrice et écrivaine, également à l'Ecole des loisirs. “Les enfants perçoivent énormément de choses du monde, il faut écouter ça, ne pas les couper de leur sensibilité”, insiste-t-elle. “Si le parent a tendance lui-même à se questionner, à envisager des choses, cela ouvre le champs des possible des enfants. Ils apprennent par mimétisme”, précise Maud Besançon.
Mais alors que faire quand on a le sentiment que son enfant ne voit pas plus loin que les animations de sa tablette ? Quelles activités lui proposer ? Pour Claude Ponti, le plus important c'est de partager, de prendre du plaisir à faire une activité en commun. “Il faut s'occuper de l'enfant, lui montrer qu'il est important. Si on met l'enfant avec un cube en bois ou devant un écran pendant deux heures, c'est pareil, c'est stérile.” Et l'illustrateur d'ajouter : “il faut aux enfants le permis de créer.”
Pour l'auteur, qu'importe le support, le principal c'est l'histoire que l'on y trouve. Pendant le confinement, celui qui a donné naissance à Blaise, le poussin masqué, a publié tous les jours une “Chozafère”, un exercice de dessin ou de coloriage pour que les enfants se constituent leur propre album, leur propre histoire justement.
Il n'y a pas que la pâte à modeler et la peinture dans la vie !
Et que faire si on a aucune facilité à s'inventer des histoires ? Claude Ponti a une méthode toute simple : “tu sors de chez toi, tu regardes le trottoir d'en face. Il y a une dame qui promène son chien. Tu te poses des questions : pourquoi est-ce qu'elle promène son chien ? Est-ce qu'elle a d'autres animaux ? Ce sont des mécanismes que tu déclenches, c'est tout simple.”
Car il n'y a pas que la pâte à modeler ou la peinture dans la vie, rappelle Maud Besançon. “Faire de la musique, du sport, aller dans les musées. Pendant le confinement on a même vu qu'on était capable de faire des choses étonnantes avec juste ce que l'on a chez soi”, insiste-t-elle.
Et d'ailleurs, si la clé c'était justement l'absence d'activité, l'ennui ? Une étude publiée en mars 2019 dans la revue Academy of Management Discoveries affirme que s'ennuyer est bon pour la créativité. Bref, peut-être que ce n'est pas une si bonne idée de lui réserver des cours de piano, de dessin, de russe et de judi chaque semaine !