Marie Tétrel - Publié le 8 mars 2020
TENDANCE - Sur Instagram, la génération Y passe son temps à partager son amour des plantes d'intérieur. Enquête sur une tendance interdite aux plus de 35 ans.
Quand elle a emménagé dans son nouvel appartement, Sarah, 25 ans et content manager, a acheté sa première plante. “Avant, je vivais dans des petits studios pas très beaux, je n'avais pas envie d'y installer des végétaux”. Et puis, sans s'en rendre compte, Sarah est devenue accro. Elle a aujourd'hui une dizaine de plantes qu'elle chérit et dont elle s'occupe un quart d'heure tous les jours. Summer Rayne Oakes, une Américaine, pousse le vice encore plus loin. Dans son appartement vivent 500 plantes, rien que ça.
En fait, Sarah et Summer ne sont pas des cas isolés, loin de là. Les Millennials (génération dont elle fait partie) ont lancé leur dévolu sur le marché du végétal, alors qu'ils boudent d'autres branches comme la beauté ou l'alimentation.
Aux États-Unis par exemple, les ventes de plantes d'intérieur ont presque doublé au cours des trois dernières années pour atteindre 1,7 milliard de dollars, grâce aux jeunes.
Mais pour quelles raisons les Millennials sont-ils devenus des mordus de plantes, ou plantlovers comme ils se nomment sur Instagram ?
Des plantes pour se déconnecter
Les Millennials, c'est cette génération Y de gens nés entre 1980 et 1999. Toujours baignés dans le numérique, ils remettent en cause quasi toutes les règles qu'on leur impose, se veulent indépendants et libres de choisir. Génération mouvante et déterminée, les jeunes d'aujourd'hui sont sensibles à la provenance des produits, au futur de la planète et se regroupent souvent en communauté autour de sujets qui leurs sont chers. On parle même de tribus.
Alors forcément, le végétal est un monde merveilleux pour les Millennials. Leurs parents, eux, ont vécu l'air du “plastique c'est fantastique”. La génération Y, par contradiction mais surtout par prise de conscience, veut se reconnecter avec la nature. “Les jeunes ont compris l'urgence de changer de mode de vie, que les enjeux environnementaux devenaient pressants”, explique Ophélie de la chaîne Youtube Ta Mère Nature. “En milieu urbain, les jeunes sont centrés dans les villes, dans des petites boites. Ils ont besoin de se sentir dehors pour décompresser.”
Dans cette société ultra-connectée adorée et tout autant détestée des Millennials, les plantes font du bien au moral. “Elles ont un pouvoir apaisant dans un contexte de plus en plus anxiogène”, explique la créatrice de contenus, en connaissance de cause. La petite trentaine, elle a quitté son job stressant dans la communication pour se lancer dans l'agriculture urbaine. “Avoir des plantes chez soi, c'est comme une thérapie finalement. Selon moi, le Millenial a besoin de se calmer au milieu de la tempête.” Et ça d'ailleurs, les professionnels l'ont bien compris.
C'est l'un des arguments de vente que propose l'interprofession française de l'horticulture, de la fleuristerie et du paysage (Val'hor) dans une étude sur la génération Y: “Le bien-être, la douceur et les émotions associées à la présence des fleurs et des plantes (ou au fait de s'en occuper) pourraient être mis en avant sur les points de vente pour capter cette génération.”
S'occuper des plantes, une preuve de savoir-faire
La maîtrise d'un savoir-faire est aussi l'une des attentes des Millennials, qui aiment partager leurs domaines d'expertise. Des connaissances que l'on peut s'échanger entre potes ou avec de parfaits inconnus, sur Internet ou pendant un dîner.
Sarah par exemple, ne peut s'empêcher d'aller consulter des messages postés dans des groupes Facebook pour se rassurer et savoir comment prendre soin de ses petites protégées. Elle en discute ensuite avec ses ami.es à qui elle envoie des photos dès que son pilea fait des rejets. “C'est un nouveau sujet de conversation, une nouvelle passion commune qui nous unit encore plus.”
Morgane, 27 ans et architecte, va encore plus loin dans l'exercice : elle fait ses propres boutures et caches-pots, qu'elle offre ensuite à ses proches. “Quand je m'en occupe bien, je ressens une sorte de satisfaction personnelle.” La jeune femme a aussi ouvert un compte Instagram @la_junglerie_parisienne, sur lequel elle partage ses dernières créations et invite ses abonnés à participer à des ateliers. Un façon d'exposer et d'être reconnue pour ce qu'elle sait faire.
D'ailleurs, il suffit de faire un tour sur Instagram pour comprendre le phénomène. #plantaddict, #houseplantcommunity, #plantlover… à eux tous, ces hashtags regroupent plusieurs millions de photos postées chaque jour. “Publier des photos de plantes donne une image positive de ses propriétaires, ça montre que l'on sait entretenir des plantes”, analyse Ophélie. C'est aussi un moyen de se détendre, façon “foodporn”.
Selon une autre Morgane, photographe et propriétaire du blog green Vertbobo, le côté graphique des plantes explique cette tendance et cette passion pour les images de calathea par exemple. “Instagram c'est le média de partage de créations visuelles et artistiques, un bon moyen pour s'inspirer et découvrir des plantes hors du commun qu'on rêve d'avoir. Ça donne envie !”
Les plantes, une déco devenue pas chère
Si les plantes ont un si grand succès, c'est que la période dans laquelle nous vivons coïncide également à celle où les Millennials commencent à emménager dans leurs propres logements.
C'est le moment de trouver des idées déco, et les plantes en font partie. Depuis quelques années, on voit fleurir des ventes de plantes dans les grandes villes, qui proposent des végétaux tendance à moindre coût.
“Ces ventes de plantes sont un moyen d'amener dans le milieu urbain des plantes vertes à petits prix aux gens qui n'ont pas forcément accès à autant de choix près de chez eux”, explique toujours Morgane, qui est aussi manager des ventes chez Plantes Pour Tous. Un monstera deliciosa vendu jadis chez un fleuriste pour une cinquantaine d'euros est maintenant proposé pour moitié. Rien qu'à Paris, des dizaines d'entreprises proposent maintenant ce concept de vente éphémère.
Pour Sarah par exemple, se rendre à l'une de ces ventes a été un déclic. Mais aujourd'hui, elle préfère s'en procurer autrement. Ses proches lui donnent des boutures, et elle en achète même à des particuliers. “J'ai l'impression de savoir un peu plus d'où elles viennent, et puis je participe un peu à l'économie circulaire.”
“Avoir une jungle chez soi c'est bien mais il faut se renseigner sur la provenance des plantes. Beaucoup de plantes tropicales viennent du fin fond du Kenya, déplore Ophélie. Alors pour être encore plus écolo et que cette passion soit bonne pour la planète, il faut faire attention à la façon dont elles sont cultivées.”
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