Lisa Hör - Publié le 30 novembre 2019
ÉCOCONSTRUCTION - Pourquoi évacuer les terres de terrassement comme des déchets ? Autant l'utiliser comme matériau ! C'est la démarche de Filiater, avec ce nouvel éco-quartier.
Récupération de l'eau de pluie, poêle à granulés, panneaux solaires pour chauffer l'eau sanitaire et produire de l'électricité... Les 19 maisons de l'éco-quartier de l'Argibois, qui viennent d'êtres construites au milieu des cyprès et des oliviers sur la commune de Levens, dans les Alpes-Maritimes, ont toutes été pensées pour réduire leur impact environnemental.
Mais pour trois d'entre elles, la démarche a été poussée beaucoup plus loin. Celles-ci ont été bâties à partir de la terre récupérée sur le site lors du terrassement.
Mortier de terre et briques en terre crue
À cause de la pente du terrain, et bien que les murs enterrés aient été limités au maximum, le chantier a en effet produit de gros volumes de déblais.
"Dans un cas normal, ils auraient été considérés comme des déchets et évacués dans des décharges. Autant de volumes à gérer par la collectivité, explique Michel Oggero, fondateur de Filiater. Ensuite, on aurait fait revenir sur le même terrain tout un tas de camions, avec des matériaux qui ont un gros impact environnemental : du béton, du granulat, de la ferraille..."
Ce promoteur en écoconstruction entend bien remettre au goût du jour la terre, matériau de construction traditionnel. "Les anciens ont toujours construit avec les matériaux qu'ils avaient sous leurs pieds, argumente-t-il. Notre innovation, c'est de le faire dans une démarche moderne, scientifique."
Les pierres calcaires et la terre argileuse du site ont été utilisées de deux façons pour monter les murs. Une maison a été construite avec des pierres hourdées (c'est-à-dire maçonnées) avec du mortier de terre. Deux autres ont été construites avec des briques de terre crue comprimée.
Les maisons ont ensuite été recouvertes d'un bardage en bois ou d'un enduit à la chaux, pour protéger la terre de l'humidité.
Mesurer les performances des maisons en terre
Ce n'est pas le premier essai du promoteur. En 1997 déjà, il construisait 16 maisons à Grasse, à partir des pierres issues du site. En 2013, il a également construit 5 autres maisons en béton de Poudingue à Nice : il s'agit d'un béton produit à partir de sable et de galets roulets récupérés sur place.
Mais cette fois, le projet s'accompagne d'une étude financée par l'Ademe (l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie) pour mesurer les performances énergétiques et le confort de ces maisons en terre. Elles seront comparées à deux maisons témoins dans le même éco-quartier : une maison à ossature bois et une maison en béton armée isolée par l'extérieur.
La terre est déjà reconnue comme un matériau sain, qui régule l'hygrométrie à l'intérieur de la maison. Associée à un bardage bois et à des isolants comme la fibre de bois ou la ouate de cellulose, elle permet de respecter la réglementation thermique en vigueur. Mais ces nouvelles mesures permettront de mettre en avant plus précisément ses avantages.
D'après les premiers résultats transmis par Filiater, construire avec les déblais de terrassement directement sur ce chantier a permis d'atteindre les résultats suivants:
- réduction d'énergie grise de 50% en Kwh
- réduction de CO2 de 72% en Kg
Contrairement à ce que l'on pourrait penser, cette technique de construction ne coûte pas beaucoup plus cher : 5 à 10 % en plus sur le prix total de la maison, estime Filiater. "Comme nous sommes à la fois un bureau d'étude et un promoteur, nos projets ont toujours été vendus au prix normal du marché immobilier, on a absorbé ce surcoût", précise-t-il.
D'après Michel Oggero, réutiliser les terres de déblais pour construire des logements pourrait se faire partout. Reste à faire connaître ces techniques en dehors des cercles écologistes !