Marie Tétrel - Publié le 8 mai 2021
PATRIMOINE - Ce chantier gigantesque, démarré en 2019, permet de redonner ses lettres de noblesse au corps de ferme. Objectif : le transformer en tiers-lieu pour accueillir du public.
Lorsque l'on ouvre le portail qui mène au chantier, on est tout de suite émerveillé par l'immense grue qui se dresse au milieu de la cour. De part et d'autre, des morceaux de charpente protégés sous des bâches, des piles de centaines de tuiles anciennes, des gros morceaux de pierre rangés méthodiquement sur la pelouse… Et l'énorme bâtisse, gigantesque, qui se dresse à droite, et dont les murs sont à moitié éventrés. On entend le son d'une radio, qui flotte dans l'air, mêlé au bruit des perceuses, détonnant un peu avec la quiétude du village de Saessolsheim.
Le chantier est de taille, l'ambition de ceux qui le font l'est encore plus. Il y a deux ans, 10 copains ont décidé, un peu sur un coup de tête, d'acheter et de rénover la plus grande ferme d'Alsace. Pour l'amour du patrimoine régional, qu'ils souhaitent préserver coûte que coûte.
“Tout à commencé par une annonce sur Leboncoin, repérée par un de mes associés”, raconte Félix Mathis, l'investigateur du projet. Une vieille ferme alsacienne datant du 18e siècle, complètement en ruine. Pour le trentenaire, c'est le coup de cœur. Après la visite du lieu, il réunit amis et famille pour leur proposer un projet hors normes. Rénover le corps de ferme pour le transformer en tiers-lieu : un lieu hybride qui accueillera des évènements privés, des marchés, des expositions...
Tout est à rénover, certains bâtiments sont à détruire pour les reconstruire. Mais le groupe se fait la promesse de mener à terme le chantier.
Restaurer la ferme à l'identique
Les jeunes ont monté une entreprise pour réaliser les travaux : Imodis. Chacun des associés a un rôle dans la société. Charlène est responsable financière, Pierre responsable partenaires, Thomas chef de chantier… Si certains ont, par leur carrière professionnelle, des compétences dans le domaine du bâtiment, d'autres sont novices. Mais tous se donnent rendez-vous, tous les samedis, pour mettre la main à la pâte ensemble. Un planning est défini à l'avance pour connaître les tâches à accomplir dans la journée.
Car le groupe souhaite réaliser le plus de travaux eux-même. “On est capable de faire tous les travaux coûteux pour faire des économies. On avance même mieux que ce qu'on espérait au départ !”, explique Félix.
Aujourd'hui, les travaux de mise en sécurité sont terminés. Le site est défriché, les bâtiments dangereux, comme l'ancienne écurie, ont été démontés et leurs matériaux stockés. Les pièces de charpente rongées par l'humidité seront restaurés afin de reconstruire le tout à l'identique.
Pour les épauler dans le projet, Imodis a fait appel au cabinet d'architecture Frög. Ensemble, ils ont pu définir quels seront les prochains espaces qui accueilleront le public, une fois le chantier terminé, à l'horizon du printemps 2023. On pourra y organiser des mariages, des marchés, des expositions… Le but étant aussi de mettre en valeur le patrimoine local au sein de cet ouvrage hors du commun.
Un projet ambitieux… qui coûte cher
Rénover une ferme d'une telle envergure à forcément un coût. Félix estime les dépenses à 1,3 millions d'euros, sans compter tous les travaux que l'équipe peut réaliser seule, comme le gros œuvre. Imodis est aussi propriétaire de nombreux outils, afin de réaliser les tâches de restauration sur place. Des dépenses assumées par le groupe de copains.
Aussi, pour récupérer des matériaux anciens sans avoir à les acheter, Imodis propose un service de démontage d'autres bâtiments sur d'autres sites. En échange de la démolition, l'équipe repart avec des tuiles, des colombages… stockés pour le moment dans la cour ou dans l'atelier de menuiserie éphémère, installé sous une tente. Pour le reste, elle a fait des demandes de subventions et de financement auprès de plusieurs banques et de collectivités locales. Si tout se passe bien, un permis de construire sera déposé à l'automne 2021, afin de continuer le chantier.
L'aventure du collectif vous a donné envie ? Et si vous aussi, vous participiez à un chantier participatif ?