Clémence Leleu - Publié le 9 août 2016
CONSTRUCTION - Artisans et ouvriers se relaient sur le chantier de Guédelon pour construire de toute pièce un château-fort. Le tout avec des outils d'époque.
Oubliez tout ce que vous connaissez de 2016, car ici, à Guédelon, place forte de la Bourgogne médiévale, nous sommes en 1267, dans le fief de Guibert de Guédelon. Et voilà bientôt 19 ans que cela dure.
Cette faille temporelle qui vous projette en quelques secondes au c?ur du Moyen-Âge, c'est à Michel Guyot qu'on la doit. En effet, il a pris le pari, il y a bientôt deux décennies de se lancer, lui et son équipe composée d'archéologues et de castellologues, dans la construction d'un château-fort moyenâgeux, de style Philippien. Comprendre une organisation architecturale plaçant le donjon dans l'angle des courtines, la présence d'une cour quadrangulaire, d'une entrée principale défendue par deux tours et d'un fossé à sec.
Outils et techniques du Moyen-Âge
En cette journée ensoleillée de juillet, au c?ur de la forêt de Guédelon, plus d'une quarantaine d'artisans et d'ouvriers se relaient pour mener à bien ce projet. Tailleurs de pierres, charpentiers, forgerons... Tous ?uvrent à l'édification de ce château hors-normes. Avec une seule contrainte : travailler avec les outils et les techniques du Moyen-Âge.
Les seules traces de modernité sur le chantier se résument à des matériels de protection et de sécurité, obligatoires d'un point de vue légal, et à l'utilisation d'une pelleteuse, qui vient extraire de gros blocs de pierre de la carrière avant qu'ils ne soient débités manuellement.
Ainsi sur le chantier où le soleil tape de plus en plus fort et où résonnent en permanence les coups de maillets et de marteaux, hommes et femmes s'affairent. Tout, des outils, aux échafaudages en passant par les matériaux de construction, est construit sur place.
Ainsi, ce sont grâce à des cages à écureuil, qui utilisent la force de l'homme, que les blocs de pierre servant à l'édification des murs du château sont amenés jusqu'au sommet.
L'art de prendre le temps
L'histoire de Guédelon se tisse avec le temps et sur le chantier, les ouvriers grandissent de pair avec le château. "Sur le chantier, aujourd'hui, travaillent des gens qui sont arrivés la première année et qui sont toujours là. D'autres sont venus le visiter plus tard et on eut envie de prendre part à l'aventure", confie Sarah Preston, une des salariés de Guédelon.
Tous les ouvriers et artisans présents sur le chantier louent cet art de travailler avec des outils anciens. Ils exigent de prendre le temps et parfois, de trouver des solutions complexes à des problèmes qui auraient pu être réglés en un rien de temps avec nos outils contemporains.
"J'apprécie de travailler sans machine. Il n'y a aucune frustration de la modernité. C'est d'ailleurs parce qu'on travaille avec ces techniques médiévales que je suis venu ici", explique Nicolas, un des charpentiers, paré, comme tous, d'un habit moyenâgeux.
Des matières premières sur place
Pour pouvoir être alimenté en matières premières le plus facilement possible, le maître d'?uvre a choisi de construire Guédelon dans une carrière de grès ferrugineux, entourée d'une forêt et située non loin d'un carrière de calcaire, qui sert à créer la chaux pour confectionner le mortier.
Un choix presque idéal, mais qui a très vite soulevé un problème qu'aucun n'avait envisagé : la forêt, trop influencée par la main de l'homme, ne permettait pas d'obtenir les mêmes bois qu'au Moyen- Âge.
Ils ont donc dû se tourner vers la forêt de Bellary, à quelques kilomètres, moins emprunte de la main de l'homme et donc plus dense, pour obtenir le bois qui leur permet de construire les tuiles, mais aussi le mobilier ou encore les ateliers des différents corps de métier présents sur le château.
Construire pour comprendre
S'ils suivaient scrupuleusement la feuille de route édictée à la genèse du chantier, ce dernier pourrait arriver à son terme dans six ans. Pourtant, cette idée n'a pas du tout germée dans l'esprit ni des ouvriers ni du maître d'?uvre.
Ce qui compte ici, ce n'est pas tant d'accomplir un exploit plutôt que d'apprendre et de redécouvrir les techniques de construction, l'histoire et la vie sur un tel chantier du Moyen-Âge.
"C'est une histoire sans fin. L'idée est de tirer des enseignements des différentes expériences de construction. Nous bâtissons pour comprendre", explique le maître d'?uvre. "Si nous devions passer le relais à d'autres dans quelques années, nous le ferions avec plaisir. Il y a encore tant à apprendre." Guédelon n'a donc pas fini de livrer tous ses secrets.