Lisa Hör - Publié le 12 juin 2022
MAISON ECOLOGIQUE - L'entreprise ERB a réuni une vingtaine de partenaires pour construire une maison exemplaire. Impression 3D à partir de bouteilles plastique, peinture recyclée et récupération de l'eau de pluie, serait-ce l'habitation du futur parfaite ?
Que se passerait-il si l'on regroupait un maximum d'innovations et de solutions écologiques sous un même toit, pour bâtir la maison la plus vertueuse possible ?
C'est exactement ce qu'a voulu expérimenter l'entreprise générale du bâtiment ERB avec la maison Empreinte, construite à Beaucouzé en Maine-et-Loire. Cette maison de 130 m² a été pensée des fondations jusqu'à la décoration selon les principes de l'économie circulaire, c'est-à-dire pour réduire le gaspillage des ressources, la pollution et la production de déchets.
"Le bâtiment représente 23 % des émissions de gaz à effet de serre en France. On a notre part d'efforts à faire, pour construire des matériaux plus respectueux, qui restent quand même abordables", estime Grégory Lussagnet, chef de projet innovation chez ERB.
Ce qu'il a voulu tester avec son équipe, c'est d'abord une méthode de travail : ERB a fait appel à 20 entreprises différentes, qui ont chacune pu faire des propositions pour aboutir au meilleur bâtiment possible.
Voyons dans le détail ce que cette maison - un prototype, mais qui serait tout à fait habitable, cache derrière ses murs.
Les terres de terrassement réutilisées sur des terrains agricoles
Saviez-vous que la terre excavée lors d'un chantier était jusqu'à il y a peu presque systématiquement considérée comme un déchet, et stockée ou enfouie, faute de mieux ? Depuis un peu plus d'un an, la législation favorise le réemploi de cette terre.
Et justement, sur le chantier qui nous intéresse ici, les 300 tonnes de terre issues du creusement des fondations ont été valorisées de façon ingénieuse. Elles ont été redistribuées par l'entreprise Terra Innova à des agriculteurs, pour améliorer la qualité des champs ou créer des haies sur talus. Et ce, dans un rayon de 5 km seulement, pour limiter les émissions de gaz à effet de serre liées au transport.
Des fondations fabriquées à partir de déchets de chantier
Pour les fondations, le traditionnel béton, très polluant, a été remplacé par un nouveau matériau recyclé. Néolithe "fossilise" les déchets issus de la déconstruction de bâtiments, comme par exemple les gaines en plastique, pour en faire des granulats. Autrement dit, elle les transforme... en cailloux.
Mais pourquoi donner des fondations à la maison Empreinte, pourrait-on se demander, alors qu'il est possible de construire des maisons sur pieux vissés (des pilotis) qui impactent moins le terrain ?
"On voulait tester ces fondations car habituellement nous construisons des immeubles, pour lesquels il y en a besoin", justifie Grégory Lussagnet. C'est la première fois que ces granulats issus de la fossilisation de déchets ont été utilisés sur un chantier.
Des murs imprimés en 3D à partir de plastique recyclé
La maison elle-même a été imprimée en 3D par Yaskawa France et Batiprint3D avec de la mousse polymère issue en partie de bouteilles en plastique recyclées - 13 000 bouteilles sur ce chantier.
"Nous avons d'abord imprimé deux murs parallèles avec cette mousse qui sert d'isolant. Le vide de 15 cm entre les deux couches d'isolant a ensuite été rempli de béton", explique Grégory Lussagnet.
Le fait d'imprimer sur place permet d'éviter de transporter beaucoup de matériaux : "Tout le nécessaire pour réaliser la maison entière rentrait dans un petit camion benne", affirme Grégory Lussagnet.
Pour améliorer encore l'impact carbone, l'objectif d'ERB est d'utiliser à l'avenir comme matériau de construction les terres excavées sur le chantier. Cela peut être conjugué à l'impression 3D, comme nous l'avions déjà vu dans cet autre projet : une maison en terre-paille imprimée en 3D.
Une chape en argile et un sol en liège
Une autre alternative au béton classique a été employée cette fois pour les sols intérieurs, avec une chape de béton d'argile Argilus. Ce matériau naturel a l'avantage de réguler l'humidité et d'accumuler la chaleur. Il a aussi un bilan carbone très bas, contrairement au béton fabriqué à partir de ciment et de sable.
Le sol des chambres et de la salle de bains est également revêtu de liège, un autre matériau biosourcé et naturellement isolant.
De la peinture recyclée sur les murs
Les restes de peinture sont habituellement incinérés, lorsqu'ils sont collectés en déchetterie. Bien souvent, les fins de pots terminent aussi dans les toilettes. Même si les eaux usées sont traitées, des micro-particules sont rejetées dans les océans.
Pour éviter cette pollution, Circouleur récupère ces fonds de pots pour fabriquer une nouvelle gamme, avec un bilan carbone divisé par 12 par rapport à une peinture classique, affirme l'entreprise.
Un terrain aménagé en permaculture
Le jardin a été pensé selon les principes de la permaculture, cette philosophie attentive à la fois à l'humain et à la nature.
Haies comestibles, qui nourrissent les petits animaux, bassin d'orage pour éviter d'entraîner des inondations, patio pour profiter de la fraîcheur en été... Et bien sûr, récupération des eaux de pluie pour arroser le jardin, mais aussi alimenter les toilettes.
Difficile d'être exhaustifs sur tous les aménagements ingénieux ici. Retenons ceci : oui, il est possible de réduire l'impact environnemental de la construction à chaque étape du chantier.
Les solutions existent déjà et ce ne sont pas forcément des innovations technologiques "futuristes" comme l'on pourrait s'y attendre. Il s'agit bien souvent d'aller chercher des matériaux recyclés ou biosourcés. Nous aurions d'ailleurs tout intérêt à utiliser ces solutions en rénovation... puisqu'une maison rénovée restera toujours plus écologique qu'une maison neuve.