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ISOLATION - On entend tout et son contraire sur le déphasage thermique. Voici un article qui vous permet (enfin) d'y voir plus clair.

Depuis quelque temps, il y a une notion qui déchaîne les passions au sujet des travaux d'isolation : le déphasage thermique. Quand certaines personnes pensent qu'il est essentiel pour assurer le précieux « confort d'été », d'autres assurent que le concept n'est que marketing (nous avions d'ailleurs confronté ces points de vue sur le déphasage thermique).
Pour mieux comprendre les enjeux (ou non) du déphasage thermique, nous sommes allés à la rencontre d'un expert du sujet, Gilles Becquart, market manager gros œuvres chez Castorama.

Tout ce que vous devez savoir sur le déphasage thermique pour enfin comprendre de quoi il s'agit

1. C'est quoi le déphasage thermique ?

Commençons par proposer une définition simple de ce concept expliqué bien souvent de manière nébuleuse. Exprimé en heures, le déphasage thermique est le temps que la chaleur va mettre pour traverser un isolant. Le déphasage thermique est surtout dû à la densité du produit.

Prenons l'exemple d'un isolant qui disposerait d'un déphasage thermique de 7 heures. C'est en général le cas des matériaux biosourcés tels que la ouate de cellulose ou la fibre de bois plus denses que les isolants minéraux, même si de nombreux autres facteurs entrent en ligne de compte. Si l'on considère que le moment où il fait le plus chaud à l'extérieur se situe
aux alentours de midi, la chaleur pourra rentrer dans la maison vers 19 heures, soit 7 heures plus tard. En revanche, avec un produit affichant un déphasage thermique de 3 heures, c'est à 15 heures, en plein après-midi, que la chaleur va entrer alors qu'il fait encore chaud dehors et qu'il n'est pas possible d'aérer.

© Getty Images : nensuria

Un bon déphasage thermique (on considère le déphasage thermique comme bon à partir de 7 heures) permet d'homogénéiser la température intérieure d'une habitation. Ce qui contribue au confort d'été, rendant même parfois superflue l'installation d'un système de climatisation.

2. Le critère du déphasage thermique est-il vraiment important pour choisir son isolant ?

De manière générale, les isolants sont plus efficaces pour contrer le froid que pour contrer le chaud. Un isolant efficace pour vous protéger du froid en hiver peut en revanche être inefficace pour vous garantir un confort d'été, notamment en cas de fortes chaleurs.

Le déphasage thermique n'est pourtant pas la solution à toutes nos vagues de chaleurs estivales. En effet, comme le souligne Gilles Becquart, il convient d'avoir en tête que « le déphasage thermique du produit en lui-même ne veut rien dire. » Plusieurs problématiques sont à prendre en compte.

Tout d'abord, il y a les murs : « L'isolant est posé sur un mur. Or, si vous le posez, par exemple, sur une ossature bois, avec un simple panneau de laine de bois, la chaleur va vite traverser le bois. Si vous le mettez sur un mur de briques, c'est encore différent. Il faut le temps aussi que la chaleur passe le mur de briques avant de rentrer sur l'isolant. ». Le résultat est encore différent sur des maisons en pierre qui, dans certaines régions de France, peuvent présenter des épaisseurs de 30, 40, voire 50 cm. Le déphasage thermique n'a de sens qu'à partir du moment où on l'associe au mur.

La présence de grandes surfaces vitrées peut également changer la donne : « On a beau avoir un très bon déphasage thermique sur les murs, si on a en parallèle de nombreuses baies vitrées orientées plein sud, la chaleur entre ». Le meilleur isolant et le meilleur déphasage thermique sur les murs ne sauraient empêcher la chaleur de rentrer par des baies vitrées et des fenêtres de taille importante qui laissent entrer le soleil aux heures les
plus chaudes de la journée. Gilles Becquart est sans appel : « Le déphasage thermique est efficace à partir du moment où on est dans une vision globale du projet ».

© Getty Images : Franck Boston

3. De l'importance de penser son projet de construction ou de rénovation de manière globale

Pour illustrer ses propos, le market manager évoque un projet personnel. Après avoir réalisé lui-même de gros travaux d'isolation dans sa maison, il ne s'est rendu compte que l'été suivant qu'il pouvait y faire rapidement très chaud au retour des beaux jours : « L'été, ma maison est un vrai four ». En cause, une toiture plate avec membrane en bitume noire, qui attire la chaleur et est posée non pas sur une dalle béton, mais sur du bois. La chaleur passe alors très vite. « Mon déphasage thermique sur les murs est plutôt bon », analyse-t-il. « Mais mon déphasage thermique sur le toit lui ne l'est pas. À l'époque où j'ai fait mes travaux, je n'étais pas au courant de cette notion de déphasage thermique. Sinon je n'aurais pas mis la même matière ».

Quelles solutions pour améliorer la situation ? Démonter le toit et l'isolant ou bien mettre en place une isolation par l'extérieur. « Dans les deux cas c'est beaucoup d'argent. C'est pour cela que l'isolation doit être bien pensée dès le départ ! ».

© Getty Images

Dans quelle région se trouve votre maison ? Est-elle dotée de beaucoup d'ouvertures plein sud ou pas ? Quelle est la typologie des murs ? Pour être efficace, le choix d'un meilleur déphasage thermique doit se faire dans une conception globale. Il est également important d'identifier les autres causes d'entrée de chaleur : si les murs sont très bien isolés mais que les combles ne le sont pas, la chaleur va arriver par le plafond dans la pièce.

Enfin, Gilles Becquart ajoute : « Quand on a une maison qui n'est pas adaptée, ça ne vaut peut-être pas le coup d'investir dans le déphasage thermique. Il vaut mieux investir par exemple dans des persiennes ou dans des pare-soleil pour limiter l'impact de la chaleur ».