Adèle Ponticelli - Publié le 22 février 2016
VOYAGE - Ce jeune Breton part faire le tour du monde en catamaran. Lui et ses coéquipiers vont tenter de vivre en autonomie alimentaire et énergétique. Un pari écolo et généreux.
Le départ est imminent. À Concarneau, toute l'équipe est prête et attend qu'une fenêtre météo s'ouvre pour partir. Mais ce vendredi 19 février 2016, Corentin de Chatelperron prend tout de même quelques minutes pour raconter son projet d'aventure écolo et humaine étonnante. Celui que tous ses amis surnomment "Coco" semble d'une générosité sans borne.
Ce Breton de 32 ans s'apprête à embarquer pour un tour du monde un peu particulier, l'expédition est nommée Nomade des mers. Pendant trois ans, sa maison sera un catamaran de 14 mètres de long, un vieux bateau d'une vingtaine d'années récupéré et adapté à la nature du périple.
Maroc, Sénégal, Afrique du Sud, Inde, Indonésie, Brésil... en tout, une quinzaine d'étapes vont émailler le voyage. “À chaque escale, on va construire un nouveau laboratoire des low tech”, annonce le jeune homme.
Car Corentin s'est donné une mission. Naviguer le monde à la recherche des meilleurs “low tech”, transmettre le savoir qu'il a sur elles, puis partager le résultat au plus grand nombre. Les “low tech” ? Ce sont des techniques simples pour “répondre aux besoins de base grâce aux moyens du bord”, résume-t-il à sa manière.
Tour du monde des low tech
Opposées aux “high tech”, les “low tech” sont généralement peu énergivores et plus écolo, tout en s'attachant à répondre à des désirs naturels et nécessaires (comme l'aurait dit Epicure) et non superficiels. Elles favorisent par exemple l'accès à l'eau potable, la nourriture, l'énergie.
À bord du cata, lui et deux acolytes de son association, Pierre-Alain Levêque et Elaine Le Floch, ont donc aménagé un laboratoire des low tech. Ils seront à la fois scientifiques et cobayes pour tester au mieux ses techniques. Il y aura bien quelques outils scientifiques high tech, “mais ils seront au service des low tech”, précise Corentin dans un sourire.
Ainsi, on trouve sur cette embarcation des panneaux solaires, une éolienne de type Piggott (modèle de référence dans les éoliennes à construire soi-même), un désalinisateur, un type particulier de poêle à bois (poêle de masse rocket), qui permet de chauffer en consommant jusqu'à 7 fois moins de bois.
Mais aussi 30 m² de serre pour produire des plantes en hydroponie (un type de culture hors-sol) notamment des blettes et de la spiruline, une algue dotée de fortes propriétés énergétiques, une production de pleurotes, une autre de vers de farine (117 000) pour un apport en protéines ou encore un poulailler hébergeant 4 poules pondeuses. Histoire d'être autosuffisant en énergie et nourriture, autant que faire se peut.
Des journées bien remplies
Quelle place reste-t-il aux aventuriers pour vivre ? “Il y a un gros débat pour savoir quelle place on peut laisser pour nous au milieu de tout ce bordel !”, s'exclame Corentin. “D'autant que cela va évoluer, pour l'instant nous avons de l'espace pour nous parce que les plantes n'ont pas encore grandi. Elles vont prendre ensuite pas mal de place, pareil pour les vers et les champignons...”
Le bateau contient tout de même 5 couchettes et une cuisine. Pour 4 personnes. En plus des membres de l'expédition, un skipper se relayera. Au départ du voyage, ce sera Roland Jourdain, double vainqueur de la route du Rhum. Pas moins ! La 5e couchette sera réservée aux inventeurs et innovatrices rencontrées lors des différentes escales et accueillies pour un partage de connaissances.
Pour tout bagage, ils ont choisi de partir avec des livres. “Pas mal de bouquins, notamment techniques : sur le lombricompost, la spiruline...” De quoi se documenter, mais “pas d'affaires personnelles”, pas besoin, “car c'est comme si on partait en balade en caravane, notre maison c'est le bateau !”
Leur quotidien ? Ils ne savent pas encore à quoi il ressemblera. Désaliniser l'eau (cela lui prenait 1h30 par jour pour 5 litres d'eau lors de sa dernière expédition), s'occuper des plantations, étudier les techniques, prendre soin du cata. Une chose est sûre, les journées seront bien remplies.
Une vie de défis
Corentin n'en est donc pas à sa première expédition. Celle qui l'a fait connaître fut on ne peut plus effrontée. En 2010, il navigue seul de Dacca (Bangladesh) à la Ciotat (Bouches-du-Rhône) sur un bateau, nommé Tara Tari, fabriqué à 40% en fibre de jute pour prouver la robustesse du matériau. Une réussite.
Il avait rejoint Bangladesh après des études d'ingénieur. Son côté écolo le pousse à se renseigner sur la fibre de jute qu'il estime pouvoir être une alternative locale, abondante et écologique à la fibre de verre.
C'est ce matériau et cette traversée qui le font tomber dans le monde des low tech. Il se lance alors dans une nouvelle “expé” : navigant d'îles en îles en Indonésie, il tente d'être autonome en eau et nourriture. Mais les poules ont été capricieuses, comme on peut le voir dans ce film :
Pour autant, Corentin dit ne pas être “vraiment un navigateur”. Sur son CV de marin : les voyages précités, quelques croisières entre amis, mais c'est tout... Mais alors pourquoi le bateau ? “Cela nous plaisait bien, c'est pratique et écolo, explique Corentin, et cela permet d'aller dans des zones qui n'appartiennent à personne, il y a un côté liberté qui est sympa.”
Tout lui semble simple. S'en est presque désarmant. Mais quand on voit sa détermination et sa capacité à mener à bien ses projets, on s'incline devant cette force qu'on serait tenté de qualifier de tranquille, si l'expression n'était pas si connotée.
Rendez-vous est pris à son retour pour qu'il nous partage ses trésors de connaissances, qui selon lui, ont toute leur place en France. Entre le lombricompost et l'hydroponie à la maison et le réchaud à bois en randonnée, il y a de quoi faire. D'ici là, bon vent !
Suivre l'expédition sur le web ou sur facebook
Découvrir le travail de Corentin de Chatelperron sur la fibre de jute
Découvrir et participer au low tech lab
En 2017, Arte diffusera une série de documentaires sur son voyage.