Lisa Hör - Publié le 13 mars 2017
UTOPIE - À Strasbourg ou à Paris, quelques voisins chanceux partagent une grande terrasse commune. Un confort dont pourraient bénéficier tous les habitants des villes.
La fête de la musique, les anniversaires, le printemps... Keltoum énumère tous les événements célébrés avec ses voisins sur le toit de l'immeuble K'Hutte à Strasbourg. Toutes les occasions sont bonnes pour se retrouver sur ces 400 m2 accessibles à chacun des résidents des 23 appartements.
Au quotidien aussi, cet espace commun renforce les liens : "On passe par là pour aller à la buanderie commune, il y a de la vie. On s'y retrouve pour discuter 5 minutes", raconte Keltoum.
K'Hutte est une vitrine de l'habitat participatif : les propriétaires ont pris part à toutes les décisions, du plan de leur appartement au mode de chauffage, en passant par le choix des équipements communs. Au moment de la construction, il y a un an et demi, tous ont adhéré à l'idée d'une terrasse partagée. Et choisit la façon dont ils voulaient l'investir.
Les terrasses partagées sont dans l'air du temps. À l'heure où l'on cherche de nouvelles façons de créer du lien avec ses voisins et où l'on a envie de grand air en ville, elles font rêver. Même plus besoin d'aller au parc pour pique-niquer, il suffit de monter sur le toit de son immeuble.
De l'idée d'architecte au bien commun
Les toits terrasses aménagés sont d'abord une idée d'architecte, imposée, pour leur bien, aux habitants : c'est l'exemple emblématique de la Cité Radieuse, conçue par Le Corbusier à la fin des années 1940, avec sa piste de course sur le toit terrasse.
Plus récemment, en 2014, l'architecte Sophie Delhay a livré à Lille le Machu Picchu, un immeuble social coiffé par une terrasse panoramique que peuvent s'approprier les habitants.
Mais certains vont encore plus loin. En 2014 toujours, Bordeaux lance l'appel à idées "Habiter les toits" et le collectif d'architectes 13ruemadon propose d'ouvrir les toits à tous les habitants, au-delà de l'immeuble.
"On a proposé que les propriétaires mettent en vente ou en location leurs espaces de toiture à l'usage du quartier ou de la ville", explique Pierre Teisseire de l'agence Montagne Architecture.
L'objectif, explicité sur le dossier du projet Bordeaux Augmenté : "offrir à tous la possibilité de s'extraire du niveau du sol et d'accéder au spectacle de la ville et du paysage."
À Bordeaux, cette idée restera au stade de l'esquisse... à moins de faire accepter, un jour, cette évolution aux architectes des bâtiments de France, le centre historique étant inscrit sur la liste du patrimoine mondial de l'Unesco.
Pierre Teisseire, lui, voit un autre obstacle : les habitants eux-même. "Lorsqu'on a fait des réunions publiques, on a rencontré des résistances et des inquiétudes. J'adorerais avoir ça à Bordeaux, mais si j'habitais sous le toit en question, c'est vrai que je me poserais des questions."
S'investir personnellement pour le vivre-ensemble
Pourtant, l'envie de se réapproprier les toits est bien là. On le voyait déjà en 1995, avec La Haine, le film culte sur les banlieues : les jeunes gens se retrouvent sur le toit de leur immeuble pour un barbecue improvisé, avant d'être délogés par la police. Le lieu n'est pas prévu pour ça...
Il suffirait de quelques aménagement pour qu'il le devienne : refaire l'étanchéité du toit, pour que le revêtement supporte le poids des visiteurs, installer des garde-corps et prévoir un accès sécurisé.
Ne resterait ensuite plus qu'à laisser faire les habitants, comme le prouve l'expérience de Jérôme Gallois. Ce Parisien habite une résidence de 400 appartements. En 2011, avec quelques voisins, il a proposé à la copropriété de se charger bénévolement de l'entretien de la terrasse de 700 m2 commune aux habitants, à la place de la société extérieure qui s'en chargeait.
Depuis, cet espace a repris des couleurs. "On s'est réapproprié l'endroit, on organise des fêtes, des apéros. Dans le potager partagé, on fait pousser des courges et des potimarrons et on fait une grande soupe pour tous à l'automne", raconte-t-il.
Les enfants comme les personnes âgées apprécient. Et les habitants du quartier peuvent eux aussi y prendre l'air, à condition de savoir trouver l'escalier qui mène à ce petit paradis urbain.
Convaincu ? Ne reste plus qu'à en discuter avec les copropriétaires de votre immeuble et à vous lancer.