Lisa Hör - Publié le 17 novembre 2017
SOLIDARITÉ - Trois ateliers de création d'Emmaüs, qui emploient et accompagnent des personnes précaires, organisent une vente exceptionnelle. Leur credo : le design n'a pas de classe sociale.
Le plus grand magasin d'Emmaüs à Paris abrite un petit atelier surprenant.
Ici, cinq salarié-es en insertion récupèrent des matériaux sur des meubles donnés par des particuliers, mais invendables tels quels, car abîmés ou trop imposants pour les appartements parisiens. Patiemment, ils les travaillent et les transforment en nouveaux meubles design.
“Beaucoup de personnes voient ces matériaux comme des déchets, c'est ce que j'essaie de changer”, expose Alhaj Yassim Ali, 30 ans, en peignant un pouf réalisée avec des lattes de sommier.
Si ce pouf est terminé à temps, il sera mis en vente dans la boutique Emmaüs située dans l'établissement culturel voisin, le Centquatre, à l'occasion de l'évènement "Le Design n'a pas de classe sociale".
Pour la première fois, et jusqu'à demain samedi 18 novembre 2017, cette boutique expose et vend les créations de trois ateliers de création d'Emmaüs :
- les ReCréateurs d'Emmaüs Défi, au sein desquels travaille Alhaj Yassim Ali,
- les Résilientes X Emmaüs Alternatives, à Paris également,
- l'Atelier Emmaüs, à Lyon (qui vend habituellement ses créations uniquement sur internet).
Une deuxième vie pour les objets, une seconde chance pour les salarié-es
Au-delà de l'écologie et du réemploi de matériaux, ces trois structures ont une dimension sociale, car elles emploient des personnes précaires, sans-abri ou au chômage depuis longtemps.
“Notre objectif est d'accompagner les salarié-es pour qu'ils réintégrent la vie sociale et professionnelle, explique Hélène Monjardet, coordinatrice des ventes chez Emmaüs Défi. Le travail sur le design et la matière leur redonne une estime d'eux-mêmes, qui est capitale chez nous et qui ne s'acquiert pas facilement.”
Alhaj Yassim Ali, réfugié soudanais, arrivé en France il y a deux ans, a surtout besoin d'un logement (il habite actuellement chez un ami) et d'une formation. Emmaüs l'accompagne dans ses démarches pour ces deux objectifs.
“Je suis écrivain", raconte-t-il. Il continue à écrire de la poésie, mais pour gagner sa vie en France, il cherche à se reconvertir. "J'aimerais faire une formation de peintre en bâtiment par exemple, ou pouvoir vendre plus tard mes propres meubles.”
“Il n'y a pas de sélection pour cet atelier, seulement une liste d'attente, explique Pierre Klein, encadrant de cet atelier bois. Le parcours de base dure 2 ans, mais l'accompagnement peut s'étendre jusqu'à 5 ans.”
Créer de la valeur à partir de matériaux récup'
Acheter l'un des meubles exposés pour cette vente exceptionnelle est donc une jolie façon d'encourager ce programme.
D'autant que ces créations, originales et pratiques, ont de quoi tenter les amateurs de mobilier récup', du fauteuil fabriqué à partir de tiroirs, au tabouret-vinyle, en passant par des patères réalisées à partir de cintres.
Les prix sont bien sûr plus élevés que les tarifs habituellement pratiquement par Emmaüs. Compter par exemple 22 euros pour un coussin réalisé à partir d'un pull tout doux, et 70 euros pour un fauteuil.
Mais, au-delà du temps passé sur chaque meuble (ils sont fabriqués à la main), il s'agit bien ici de design, les encadrants des ateliers étant souvent eux-mêmes des designers professionnels. Une démarche qualitative que l'on ne peut que saluer, en espérant que d'autres ventes de ce type seront organisées prochainement !
En attendant, vous pouvez également vous meubler en chinant sur le site de vente en ligne d'Emmaüs, et ce, où que vous habitiez.