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DÉCORATION - Des pages de livres accrochées au mur, un arbre qui pousse au plafond... Le travail de Jorge Canete révèle la personnalité des propriétaires et joue sur l'histoire du lieu.

En regardant les photographies des intérieurs qu'il a réalisés, on est frappé-e par la poésie qui en émane. C'est la signature de Jorge Canete.

Il s'y trouve toujours un élément singulier, un papier noué, de fins branchages qui projettent leurs ombres à travers la pièce, des pages de livres tapissant un mur, une chaise sans assise...

Jorge Canete

Jorge Canete R. © Marion et P. Schreyer

Faire parler les lieux et leur histoire

Toutes ces choses sont là pour une raison particulière. L'architecte d'intérieur installé en Suisse et fondateur du studio Interior Design Philosophy (2005), raconte par exemple comment il s'est inspiré des anecdotes qui ont eu lieu dans le château qu'il devait décorer.

On savait que Voltaire y avait séjourné et que, lors de ce passage, le philosophe des lumières avait surpris le propriétaire, un comte ou un baron, en train de lire la Bible. Comme il n'aimait pas les bigots, il s'en était moqué, le propriétaire l'a chassé du château.

Jorge Canete

Jorge Canete C. © Michel et D. Quagliara

Jorge Canete a donc décidé de faire revenir Voltaire en cette demeure. Pas sous la forme d'une statue ou d'un tableau. Mais plus subtilement : “en mettant sur les murs ses oeuvres complètes”. Page à page. Une tapisserie de mots qui font “transpirer les murs de cette histoire-là”. D'autres feuilles volent dans la salle à manger.

L'environnement compte aussi, ce qu'on voit par la fenêtre sans y penser, les couleurs, les matières, la lumière. Le créateur d'intérieur, aux origines catalane et andalouse, tisse des liens visuels entre le dedans et le dehors. “Cela agrandit intellectuellement la pièce, qui entre en résonance avec l'extérieur.

Jorge Canete

Jorge Canete D. © Olivieri et D. Savary

Refléter la personnalité des propriétaires 

Pour arriver à cette osmose, Jorge Canete fait parler non seulement les lieux, mais aussi les personnes. Il pose à ses clients tout un tas de questions, loin des formulaires classiques qui interrogent les goûts ou les choix de matériaux. “90% des gens aiment le parquet en chêne, les rideaux en lin...”, explique-t-il. Pas de quoi personnaliser une décoration.

Pour connaître la personnalité de ses clients, l'architecte d'intérieur les soumet à une sorte de questionnaire de Proust. Si vous étiez une ville, un livre, un film, un artiste... Cette approche ludique lui permet de leur “tirer les vers du nez”.

Jorge Canete

Jorge Canete D. © Quagliara

Par exemple, ils me disent New-York. Je leur demande pourquoi et ils détaillent : parce qu'il y a beaucoup de mélanges, c'est dynamique... En répondant cela, ils sont en train de décrire leur maison idéale. Ils ne se rendent pas compte qu'ils se dévoilent de manière spectaculaire !

Une maison pour soi

Avec tous ces ingrédients, Jorge Canete, aujourd'hui installé en Suisse, compose un intérieur dans lequel il fait bon vivre. “Cela amène un bien-être, renvoie à des bons souvenirs, je vais me sentir bien chez moi et ressentir de belles émotions.

Certes, le décor peut intriguer les personnes extérieures, les invités, les amis ou la famille. Mais qu'importe. Car pour l'architecte d'intérieur, “la maison est pour soi”, pas pour les autres.

Jorge Canete

Jorge Canete D. © Olivieri

Il y a des revendications sociales qui passent par la déco”, rappelle-t-il. Des meubles de marques, des signatures de designers identifiables comme l'est celle de Philippe Starck, tout pour mettre en évidence son statut social, sa richesse.

Les personnes qui veulent des porte-étendards de la déco ne vont pas venir vers moi, on va pas s'entendre !”, sourit Jorge Canete.

Jorge Canete

Jorge Canete P. © Schreyer

Retenons ce souci du détail, de la petite histoire, de la personnalisation du lieu. Autant d'ingrédients pour être bien chez soi. Même sans posséder un château !

Jorge Canete

Jorge Canete C. © Michel

Jorge Canete

Jorge Canete R. © Marion